Eli

Produire sans pouvoir consommer

Credit image: senadjondo.mondoblog.org
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J’aurais aimé donner « Faites la queue, on ne produit pas pour vous ! » comme titre à ce billet mais parce que les lignes qui suivent sont co-écrites avec mon ami et frère Guillaume, je vous en dispense.

Bien le bonjour à vous, chères lectrices et chers lecteurs,

Pas besoin de vous rappeler que je suis Togolais et que chez moi tout va toujours de travers. Les élèves ? Ils sont dans la rue. Les professeurs ? Ils sont en prison. Les médecins ? Ils sont à la maison. Les patients ? Ils sont… Les fonctionnaires ? Ils sont sans salaires. Vous voulez que je vous serve quelle soupe ce matin ? Celle de la vieille dame sans sel, ni arôme ? Ou celle de la jeune dame avec épices et gingembre ? Décidez-vous vite ! Le temps presse, on risque de rater la cargaison…

Bon, je vous la sers à l’ancienne.

J’ai une question pour commencer : qui travaille à l’hôtel vit-il toujours de l’hôtel ? Oui, oui, je sais. Ça dépend de l’hôtel. Ou bien ?

Le temps presse dans ces 56.600km2 de lopin de terre. Tout est dorénavant calculé à l’avance. Je ne vous parle pas de prévision. Je vous parle plutôt d’anticipation pour tout achat de paquet de ciment. Nous produisons du ciment depuis 1969 mais force est de constater que nous n’avons pas le privilège d’en consommer. Ah ! Vous pensiez que parce que, des usines, il y a, les Togolais pouvaient s’en nourrir inlassablement ? Erreur sur le pays ! On est quand même au Togo, voyons.

Figurez-vous chers lectrices et lecteurs, qu’à chaque fois que j’ai le courage-oui, Dieu sait qu’il en faut du courage et beaucoup même-de capter notre chaîne nationale à l’heure du journal, je deviens tout hébété à la vue de reportages louangeurs sur de grands travaux publics. Il est hors de question que, le premier coup de pioche pour la construction d’un tronçon de route, d’une école ou autre infrastructure, passe inaperçu. C’est l’occasion rêvée pour marteler que le Togo est en marche, que « le Togo est en chantier ». Et bien soit ! Ce pays est peut être un chantier, mais sur ce chantier le ciment se raréfie tellement.

credit image:senadjondo.mondoblog.org
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Dans leur majorité les togolais ont toujours cultivé un intérêt pour l’immobilier. Avoir un chez soi, bâtir sa propre demeure où vivre avec sa famille. C’est un projet enfoui quelque part dans un coin de la tête même si la pauvreté sévit. Influencé par cette culture, j’en ai aussi nourri le rêve. Mais cet attachement à l’immobilier est aujourd’hui entamé par la pénurie criarde du ciment déplorée sur notre rectangle de territoire. Accéder à un seul paquet de ciment relève, pour les togolais, d’un véritable casse-tête, d’un calvaire. Envisagez-vous en ce moment une quelconque construction au Togo ? Sachez donc que la réalisation de vos travaux dépendra du bon vouloir des deux cimenteries du pays (CIMTOGO et WACEM) et que vous devrez débourser un surplus sans toutefois espérer une livraison immédiate du ciment.

Le phénomène est d’autant plus étrange qu’il y a bel et bien des cimenteries qui tournent à plein régime et qui sont censées avoir une production suffisante pour couvrir les besoins de ce petit pays. Autrement, à quoi nous servirait-il d’installer des usines si on doit se retrouver face à une telle disette ? Pourquoi les choses changeraient elles aussi radicalement pour un pays qui a connu des jours bien meilleurs quant à l’approvisionnement en ciment ?

Qu’est ce qui n’a pas marché ?

Je me souviens qu’il y a peu Cimtogo face aux plaintes des consommateurs brisait le mutisme en s’engageant en conférence de presse dans une tentative d’explication qui au final s’est avéré peu convaincante. A en croire l’argumentaire de la cimenterie, la situation serait causée par 3 facteurs : —les transporteurs qui en période de récolte délaissent l’acheminement du ciment au profit du coton et des intrants jugés plus bénéfiques,
– la forte demande des entreprises pendant la saison sèche propice à la construction
– ainsi que les mouvements sociaux à Wacem dont un broyeur serait aussi en panne.

Il m’est difficile de prendre pour argent comptant de tels arguments au risque de faire montre de crédulité béate car ils ont du mal à tenir la route. Pendant que les producteurs se disent débordés par la demande et que les consommateurs se rabattent sur le ciment ghanéen encore plus cher, le ciment togolais se vend plutôt bien au-delà des frontières. N’y a-t-il pas là un paradoxe ? Autant dire que le ciment produit est destiné à l’exportation et non à la consommation intérieure.

credit image:senadjondo.mondoblog.org
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Les distributeurs agréés quant à eux profitent de l’imbroglio pour verser dans la surenchère. La demande étant forte ils entassent les stocks pour susciter la spéculation au grand dam du pauvre consommateur. Des soupçons fusent quant à la présence d’un réseau mafieux de distribution qui entretiendrait la pénurie. Pourtant aucune enquête à ce jour n’est faite sur la question pour prendre les mesures qui s’imposent si réseau mafieux, il y a.

Les cris d’alarme des associations de consommateurs (Association Togolaise des Consommateurs, ATC, et Ligue Togolaise des Consommateurs, LTC) étant restés sans effet sur les autorités et industries concernées, on semble résolu à s’accommoder à la chose. On est réduit à se débrouiller comme on peut, comme d’habitude depuis que les citoyens ont compris qu’ils ne peuvent compter sur leurs gouvernants pour atténuer un tant soit peu leur indigence. Il s’agit là d’un problème qui ne fait qu’ajouter à la misère déjà intenable et qui freine l’élan de certains citoyens engagés dans des projets pour se prendre en charge comme mon voisin du quartier. Retraité du haut de ses 80 ans ce dernier qui a entrepris de construire une boutique pour gagner des revenus complémentaires à sa modique pension et financer les études de ses enfants voit aujourd’hui son chantier à l’arrêt depuis des mois faute de ciment. Voilà un choix de vie qui se trouve compromis.

Je reste en tout cas persuadé que ce problème est évitable car les togolais ne demandent pas le ciel. Juste du ciment à disposition et c’est tout. Alors que beaucoup consentent d’importants sacrifices financiers pour trouver les moyens d’en acheter, leur fournir du ciment relève de la moindre des choses. Serait-ce peut être pour répondre à leurs besoins qu’a été initiée dans le nord du pays la construction d’une cimenterie lancée en grande pompe par le président lui-même ? J’ose bien le croire et si tel est le cas je me permettrai volontiers d’applaudir des deux mains.

Bien à vous !


Soudan du Sud : bring back our children

Enfant soldat  Credit photo: unmultimedia.org
Enfant soldat
Crédit photo: unmultimedia.org

L’information m’a glacé. Attentif au journal télévisé sur une chaîne de la place, j’apprenais le 21 février l’enlèvement de 89 adolescents de 13 à 18 ans dans la ville de Wau
Shilluk au Soudan du Sud. Il s’agit d’un mode opératoire qui peut faire penser au sempiternel Boko Haram, mais qui n’a rien à voir avec la secte. Cet acte odieux qui a été perpétré au nord du Soudan du Sud par un groupe armé non identifié ne serait malheureusement pas isolé. Le pays en proie à la guerre civile depuis un an connaît des recrutements massifs et forcés d’enfants soldats par les belligérants. Des enfants enlevés des écoles, engagés de force dans un conflit armé et qui vadrouillent avec des armes en bandoulière : une image qui a collé à bien des conflits dans le passé et que je croyais-naïvement-révolue. Ce phénomène des enfants soldats est complètement insensé surtout en ce 21e siècle où les droits humains connaissent une prégnance universelle.

En ce moment où les esprits sont fixés sur les manœuvres de groupes djihadistes (Boko Haram en premier) qui sévissent en Afrique, il ne faut pas perdre de vue les dérives contre la jeunesse dans le conflit sud-soudanais.

Une jeunesse sud-soudanaise prise en étau

Le Soudan du Sud qui se présente comme le plus jeune des Etats indépendants n’a pas eu le temps de se construire avant de voir ses fils s’entretuer dans une guerre civile qui dure depuis décembre 2013. Il faut dire que ce pays né en 2011 à la suite d’un référendum d’autodétermination dispose d’importantes réserves de pétrole qui ne peuvent qu’aiguiser des appétits tant à l’interne qu’à l’externe. Voilà encore un pays africain où l’or noir attire le malheur. Une réalité qui confirme la règle sur le continent : «Là où il y a richesse, il y a guerre »

Le conflit qui oppose le président Salva Kiir à son ancien vice-président Riek Machar est en train de saccager la vie des plus jeunes à cause des pratiques liberticides des deux camps. Les combattants en plus de commettre des viols qui sont une arme de guerre, se permettent d’arracher des enfants à leurs familles pour en faire des renforts pour les troupes. L’Unicef a révélé que depuis le début de la guerre près de 12000 enfants soldats sont utilisés aussi bien par les rebelles que par l’armée elle-même. Il ne fait aucun doute que les 89 kidnappés iront grossir les rangs des enfants déjà recrutés. Pourquoi recruter des enfants au juste et non des adultes ? C’est à croire qu’il ne reste plus que des enfants dans le pays.

Il se trouve qu’au moment de leur enlèvement ces gosses étaient en train de réviser leurs leçons avec leurs enseignants. Les conditions du rapt en disent long sur le niveau d’inconscience des belligérants. Pourtant il s’agit d’une pratique lourde de conséquences pour la jeunesse de ce pays. Les enfants soldats risquent de voir leur vie basculer du mauvais côté. Désormais empêchés de poursuivre des études pour se construire un avenir et contraints d’exécuter les ordres de leurs ravisseurs ils sont exposés à de nombreux vices. Un tel sort est bien injuste pour des enfants dont la place est sur les bancs de l’école ou auprès de leur famille plutôt que sur un champ de bataille.

Ces pratiques abjectes se commettent sous les yeux complices des deux hommes qui se disputent le contrôle du pays.

La responsabilité historique de deux hommes

Salva Kiir et Riek Machar (gauche vers la droite) Credit:live.tusanradio.com
Salva Kiir et Riek Machar (gauche vers la droite)
Crédit:live.tusanradio.com

Salva Kiir et Riek Machar sont responsables devant l’histoire de cette tragédie, car s’il n’est pas établi qu’ils y consentent il est quand même clair que l’enrôlement d’enfants soldats leur profite. C’est d’ailleurs à cause de leur obsession pour le pouvoir et pour le pétrole que le pays est aujourd’hui dévasté par la guerre.

Ils ne sont pas censés ignorer qu’ils sont dans l’illégalité, car l’enrôlement d’enfants soldats est une violation flagrante du droit international. Les règles du droit humanitaire qui s’appliquent en temps de conflit imposent aux belligérants de protéger les populations civiles et par extension les enfants. En entretenant cette violation du fait de leur passivité, les deux rivaux engagent leur responsabilité pénale et pourraient être passibles de poursuite devant la CPI (Cour pénale Internationale).

Ils ne doivent pas oublier que des anciens chefs de guerre comme Jean Pierre Bemba ont déjà été rattrapés par leur passé après avoir été mis au banc des accusés de la CPI pour y répondre des exactions commises par leurs hommes. A l’allure où vont les choses ils ne sont pas loin de se retrouver dans le viseur de la CPI à moins de jouir de la protection de certaines puissances convoitant le pétrole sud-soudanais.

Par ailleurs Human Rights Watch dans un rapport avait accusé les deux camps de « recruter activement » des enfants soldats alors même qu’ils avaient maintes fois promis de cesser cette pratique interdite par les lois en vigueur dans le pays. Ces leaders ont alors intérêt à respecter la parole donnée et prouver leur bonne foi en désarmant les mineurs qui sont dans leurs rangs. Il leur revient aussi de prendre la mesure du mal que cause cette guerre et d’y mettre fin au plus vite. Ils doivent ouvrer au retour de la paix, car l’avenir de la jeunesse sera compromis aussi longtemps que durera la guerre.

L’Afrique a déjà assez de conflits à dénouer pour que ces deux rivaux n’en rajoutent pas. Cela valait-il d’ailleurs la peine de reconnaître un 54e Etat en dépit du principe d’intangibilité des frontières africaines si c’est pour en arriver là ? Et dire que c’est au nom de la paix avec le Soudan que l’Etat du Sud-Soudan a vu le jour.

De toute évidence Riek Machar et son rival ont un double défi à relever : préserver l’avenir de la jeunesse sud-soudanaise et prouver que la naissance du Sud-Soudan ne fut pas une erreur de casting.

 


Retrouvons le réflexe vélo au Togo

Un cycliste à Lomé Crédit photo: eli.mondoblog.org
Un cycliste à Lomé
Crédit photo: eli.mondoblog.org

Au Togo, comme ailleurs en Afrique, le recours à un moyen de transport en particulier est avant tout conditionné par la profondeur de la poche. A Lomé, la capitale togolaise, bon nombre d’habitants sont friands des voitures d’occasion et surtout de la panoplie de motos chinoises qui ont envahi le marché local. Malgré l’abondance de ces moyens de transport, qui vrombissent sur les routes togolaises, le vélo demeure un véhicule couramment utilisé dans le pays. Depuis mon premier contact avec le vélo, la place qu’on lui donne au Togo aujourd’hui a bien changé. Tout au long de mon parcours scolaire, j’ai vu évoluer avec le temps le regard social porté sur le vélo. Pour moi, le vélo c’est d’abord un souvenir agréable que je garde de ma tendre enfance. La première fois que j’ai enfourché un vélo, c’était lors de mon anniversaire. J’avais alors 7 ans et mon père m’avait offert un vélo en guise de cadeau. Dans la cité minière où j’ai grandi, je pouvais me targuer d’être l’un des rares enfants à posséder un vélo. Disposer d’un vélo à cette époque était un privilège. Mais en avoir à un très jeune âge l’était encore plus, ce qui suscitait chez mes amis à l’école l’admiration des uns et la jalousie des autres. En toute fierté je chevauchais ce vélo pour me lancer à vive allure dans d’agréables balades. Mais à mesure que je grandissais, j’ai fini par m’en lasser et par le céder à ma petite sœur. Toutefois, mon rapport au vélo fut totalement bouleversé après avoir quitté la cité pour Lomé, la capitale, dans les années 2000. Par manque de lycées dans la nouvelle cité où j’ai dû m’installer pour continuer mes études, mon père, pour faciliter mes déplacements, m’avait acheté un nouveau vélo. Il s’agissait d’un modèle en vogue, un VTT équipé d’un système de vitesses. Mais mon admiration pour le vélo s’est atténué dès les premiers jours passés dans ce lycée. Chaque matin je voyais des élèves -certainement des gosses de riches- arriver à l’école soit à moto soit en voiture. Pendant que j’arrivais à vélo tout en sueurs, je voyais se stationner à l’entrée de l’école des voitures d’où descendaient des élèves. C’était sans doute des enfants que les parents nantis venaient déposer. A la fin des cours, je devais passer une heure de trajet à user de la force de mes pieds, sous un soleil de plomb, pour rentrer chez moi. J’enviais ces camarades à moto ou en voiture qui me dépassaient les uns après les autres sur la route tout en me saluant de la main comme pour me dire sournoisement « bon courage ».

A mesure qu’émergent sur le marché des modèles de plus en plus attrayants de voitures et de motos, le monde n’a d’yeux que pour ces véhicules. Le parc automobile ne cesse de s’agrandir, avec ce que ça entraîne comme conséquence pour l’environnement, et le vélo devient un véhicule marginal. J’ai fini par comprendre qu’en ville être cycliste relève plus d’un mal nécessaire que d’un libre choix. Dans la plupart des cas, on opte pour le vélo non pas pour le plaisir de pédaler mais parce qu’on n’a pas d’autre choix, faute de moyens. Ayant fait mon entrée à l’université de Lomé après avoir empoché mon bac, je voyais pas mal d’étudiants se déplacer à vélo. L’abondance de bicyclettes sur le campus m’impressionnait un peu car elle tranchait avec la nette préférence des usagers pour les véhicules « à la mode ». Le vélo y est tellement présent qu’on peut dire qu’il est au paysage universitaire un élément aussi important qu’une pièce d’un puzzle. Il n’est pas rare de voir sous un arbre ou devant un amphi des bicyclettes garées les unes à côté des autres (voir images ci-dessous)

Credit photo:eli.mondoblog.org
Credit photo:eli.mondoblog.org
Credit photo:eli.mondoblog.org
Credit photo:eli.mondoblog.org

D’autres étudiants, quant à eux, n’osent pas se séparer un seul instant de leur vélo. L’usage qui en est fait sur le campus montre que le vélo, malgré tout, résiste bien à l’usure du temps. Malheureusement, il est vu d’un œil méprisant et attribué aux classes défavorisées. Le cycliste se voit de facto coller l’étiquette de démuni. La modernité nous a fait oublier les vertus du vélo et c’est dommage. Le vélo est un moyen de transport qui fait du bien à notre corps, car pédaler c’est faire du sport pour pas cher. C’est un choix économique pour nos déplacements à cause de son coût accessible. Bénéfique pour la santé, le vélo l’est aussi pour la nature. Pratiquer le vélo est  un acte écologique responsable, dans un monde menacé par le réchauffement climatique. Il n’y a aucune émission de gaz nuisible à l’environnement. Plutôt que de mépriser ce véhicule qui nous fait plus de bien que de mal, il nous faut adopter le bon réflexe vélo : réhabiliter sa vieille bicyclette délaissée dans un garage ou en s’en offrir une, ne serait ce que pour les déplacements occasionnels.


Hervé Renard, un nouveau sorcier blanc qui assombrit l’avenir des sorciers noirs?

Hervé Renard, entraineur de l'équipe nationale de Cote d'ivoire Credit: senego.com
Hervé Renard, entraîneur de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire
Crédit: senego.com

La CAN 2015, c’est fini. Après quatre semaines de ferveur footballistique, on éteint les projecteurs et on passe au bilan. La coupe ayant choisi son camp, l’équipe championne n’a pas manqué de fêter comme il se doit sa victoire. Au pays des Eléphants sacrés champions d’Afrique après 23 ans de disette, les supporters autrefois masos se sont carrément enjaillés comme on dit là-bas. Tout Abidjan était noir de monde, assailli par une foule d’un million de personnes qui s’étaient massées pour accueillir leurs héros. Pendant que la fièvre retombe peu à peu, j’ai voulu m’intéresser ici aux incidences du sacre ivoirien quant au regard porté sur les entraîneurs locaux en Afrique.
Si la victoire des joueurs ivoiriens est un succès collectif à inscrire au palmarès de l’équipe, elle compte aussi pour le palmarès de leur entraîneur français Hervé Renard. Ce dernier entre dans l’histoire du football africain en remportant deux fois la CAN avec deux équipes différentes. Un succès historique qui suffit à le faire passer pour le « Jose Mourinho africain »  et à lui attribuer le titre de nouveau « sorcier blanc ». C’est en tout cas par ce dernier terme que l’on désigne les entraîneurs expatriés qui ont du succès à la tête des équipes africaines. Au cours de la compétition Hervé renard s’est distingué par son style particulier, sa capacité à insuffler la culture de la gagne à ses poulains comme il l’a fait avec la Zambie en 2012. En quelques jours, il a galvanisé ses joueurs et la magie a opéré sur la pelouse. Ce résultat n’est que de nature à entretenir le mythe du « sorcier blanc » qui a de tout temps prévalu dans beaucoup de pays africains.

La saga des sorciers blancs

Avec le coach des Eléphants, c’est une véritable saga des sorciers blancs qui se poursuit en Afrique. Bien avant lui l’Afrique a connu des expatriés qui par leur réussite ont écrit de belles pages de l’histoire du football continental. Les plus célèbres des devanciers d’Hervé Renard sont:
Phillipe Troussier: son parcours en Afrique débute en Côte d’Ivoire, en tant qu’entraîneur à l’ASEC Mimosas à Abidjan, où il remporte trois titres consécutifs entre 1990 et 1992 et où il resta invaincu pendant 105 matchs. Après avoir entraîné l’équipe nationale ivoirienne il se rend au Maroc où il remporte avec le FUS Rabat la Coupe du Trône en 1995.
En 1997, Troussier contribue à la qualification des Super Eagles du Nigeria pour la Coupe du monde 1998. Il a aussi conduit le Burkina Faso à sa première demi-finale de CAN en 98.
Claude Leroy : son aventure africaine débute au Cameroun en tant que sélectionneur national. Il remporte la CAN en 1988 contre le Nigeria. En 2006, il atteint les quarts de finale de la CAN avec la RDC. Il sera par la suite sélectionneur du Ghana qui termine 4e de la CAN que le pays organise en 2008. Infatigable voyageur, il participe à la dernière CAN en Guinée équatoriale avec le Congo qu’il conduit en quarts de finale.

Malheureusement le mythe du « sorcier blanc » influence souvent les fédérations nationales dans le choix du sélectionneur national. Bon nombre de fédérations réservent la part belle aux entraîneurs expatriés au détriment des nationaux dont les compétences sont sous-évaluées. On préfère s’attacher les services du coach européen qui est vu comme étant plus compétent que le coach local. Les fédérations ne lésinent pas sur les moyens pour lui offrir de bonnes conditions de travail. Le coach local lui, quand il a la chance d’être recruté, n’a pas toujours droit au même traitement ni à la même liberté dans son travail. D’ailleurs c’est souvent dans l’urgence, à la hâte qu’il est sollicité pour assurer l’intérim après le départ du sorcier blanc. La nette préférence pour les expatriés est une fois de plus démontrée à la dernière CAN où sur 16 équipes, 13 étaient entraînées par des expatriés contre seulement 3 locaux.

La discrimination des sorciers noirs ou africains

La forte présence d’expatriés n’a pas toujours occulté les qualités des nationaux, car il y a bien ceux qu’on peut qualifier de « sorciers noirs ou africains ». Malgré les difficultés endurées dans leur travail certains nationaux ont rayonné autant que les expatriés. Ils ont démontré qu’ils étaient aussi compétents que leurs collègues européens. L’histoire a été marquée par des noms comme :
Hassan Shehata : il est devenu une légende de la CAN à la tête de l’équipe égyptienne de football dont il a pris les rênes en 2004. Il est le seul entraîneur à avoir remporté 3 CAN consécutives en 2006, en 2008 et en 2010. Grâce à cet exploit, il a fait de l’Egypte la nation la plus titrée de toute l’histoire de la CAN.
Yeo Martial : de nationalité ivoirienne, il a conduit les éléphants à leur premier sacre à la CAN 92 après une finale épique contre le Ghana.
Stephen Keshi : ancien capitaine des Super Eagles du Nigeria, il embrasse une carrière d’entraîneur dont le début fut retentissant. Sollicité d’abord au Togo il réussit à qualifier les Eperviers pour leur première Coupe du monde en 2006. De retour dans son pays il prend la tête des Super Eagles. Malgré des rapports difficiles avec la fédération il réussit à remporter la CAN 2013 avant de décrocher une qualification pour le mondial 2014 où il atteindra les huitièmes de finale pour un match perdu contre la France.
Parmi les entraîneurs africains à succès, Florent Ibengé de la RDC ne mérite pas moins d’être cité. Il a déjoué les pronostics en arrachant la 3e place à la dernière CAN avec des joueurs à qui il a imposé une discipline.
Même s’ils sont plutôt rares, ces exemples sont la preuve que les sélectionneurs africains sont aussi capables de relever le pari de la réussite et de donner satisfaction au public. Il est tout de même malhonnête d’exiger beaucoup de leur part quand ils n’ont pas droit à des conditions de travail acceptables. Si les coachs à succès sont essentiellement des expatriés c’est parce qu’ils ont la confiance de leurs employeurs qui mettent tous les moyens à disposition. Sur 29 éditions de la CAN, 16 ont été gagnées par des techniciens étrangers. Bien que défavorable aux locaux cette statistique ne signifie pas pour autant qu’ils sont moins bons que leurs collègues européens. Les choses sont ainsi parce que le choix d’un entraîneur semble être une affaire de nationalité ou de couleur de peau plus qu’une question de compétence. Ainsi, c’est seulement lorsqu’on commencera à juger les entraîneurs selon leur qualité que davantage de locaux se verront offrir la chance de faire leur preuve. Pour l’heure, il ne faut pas se leurrer et les locaux devront attendre encore le changement de la donne, car au vu des résultats de la dernière CAN la fin du mythe du « sorcier blanc » n’est pas pour demain.

 


Les réseaux sociaux, là où se joue l’autre CAN

Trophée de la CAN Credit: malifootball.com
Trophée de la CAN
Credit: malifootball.com

Depuis le 17 janvier le football offre des moments d’évasion aux africains, du moins à ceux qui s’intéressent à la chose. Les esprits sont angoissés par tant de maux qui sévissent en ce moment: ebola par ci, violences de Boko haram par là et que sais-je encore. La CAN 2015 (Coupe d’Afrique des Nations) vient donc à point nommé pour nous aider à décompresser un peu dans un contexte assez terne. Au moment où les joueurs croisent les crampons sur le terrain de jeu, il y a des footeux acharnés à jouer leur CAN sur un autre terrain, celui des réseaux sociaux.
En bon mordu du foot qui déteste se faire compter les matches, je n’ai pas manqué d’aménager mon emploi du temps pour suivre les oppositions qui m’intéressent le plus dans la compétition. A ce jour je peux me targuer de n’avoir raté aucune des affiches alléchantes comme Ghana-Sénégal, Ghana-Algérie, Cote d’ivoire-Guinée ou Mali-Cameroun. Presque à chaque match, je me suis régalé non seulement de beaux gestes techniques et de belles parades mais aussi de quelques tweets amusants. Eh oui, la CAN se vit aussi sur Twitter où on peut lire des posts parfois décapants. Jackson, le  fervent supporter des Lions Indomptables en a d’ailleurs témoigné.
J’ai pu constater au bout d’une première semaine de matches que la ferveur autour de l’évènement s’est transposée sur la toile. Il est assez intéressant de voir comment les spectateurs prennent d’assaut les réseaux sociaux pour y déverser en temps réel leurs humeurs et impressions que suscitent les prestations de leur équipe. Facebook et Twitter foisonnent de publications diverses qui illustrent bien l’engouement pour la grand-messe du football africain.
On y voit se mêler des coups de gueule, messages d’encouragement aux joueurs, des piques à l’endroit des adversaires et même des pronostics. Avec 10 matchs nuls sur les 16 premières rencontres il y a eu une abondance de scores nuls qui déjouent les pronostics. De quoi frustrer des pronostiqueurs qui semblaient pourtant si surs d’eux.

La palme des scores nuls revient d’ailleurs au groupe D dit « groupe de la mort » composé de la Cote d’ivoire, du Cameroun, de la Guinée et du Mali. Après la deuxième série de matches c’est le seul groupe où aucune équipe n’a encore connu de victoire. Toutes les équipes se tiennent au coude à coude et il y a là de quoi mettre à vif les nerfs des supporters. Pas étonnant de trouver dans les pays concernés les supporters les plus frustrés de la compétition.

Les ivoiriens sont davantage désespérés par la rengaine que leur servent les Eléphants qui débarquent en grands favoris mais repartent toujours bredouilles. Les fans de Didier Drogba qui expliquent les difficultés de l’équipe par le départ de l’ex capitaine se mettent à déplorer l’absence de leur héros.

Post sur un mur Facebook(Alley Michel Ange Kouadio)
Post sur un mur Facebook(Alley Michel Ange Kouadio)

Ah ! Qu’il est si pénible de supporter une équipe dans cette CAN avec des scores aussi étriqués! Après 90 minutes passés à croiser les doigts dans l’attente d’une victoire, les pauvres spectateurs sont sidérés par le score nul. Ils ne peuvent que reporter les espoirs de qualification de leur pays sur le match suivant. A côté des supporters désabusés, il y en a qui préfèrent rester optimistes et espérer le meilleur pour la suite.

La plupart des joueurs attendus à cette CAN, les joueurs célèbres auréolés de récompenses individuelles n’ont pas encore vraiment brillé et peinent à faire trembler les filets. C’est le cas de l’algérien Yacine Brahimi sacré meilleur espoir africain et l’ivoirien Yaya Touré sacré ballon d’or africain. Une discrétion sur laquelle ironisent les supporters d’équipes adverses.

Post sur un mur Facebook (Cynthe Ibohn)
Post sur un mur Facebook (Cynthe Ibohn)

Tout compte fait, les scores étriqués dans la compétition indiquent que les équipes s’égalent et que la différence de niveau est faible. Il n’y a plus à proprement parler de favori ni de petit poucet. La donne est confortée d’ailleurs par le premier coup de tonnerre de la CAN qu’est la qualification du Congo et de la Guinée équatoriale au détriment du Gabon et du Burkina Faso, finaliste de la dernière CAN.
Toutes les interactions en ligne ne font que traduire ce que la CAN a été de tout temps : des moments de passion qui génèrent un contraste d’émotions. Au gré des résultats on bascule d’une émotion à l’autre. La fête des footeux africains ne fait que commencer et les internautes de la CAN en ont encore jusqu’au 8 février pour nous en mettre plein la vue.

Bonne CAN à tous les supporters et que le meilleur gagne!