Eli

Sacrée radio

J’ignore si c’est à dessein que l’UNESCO a choisi d’instituer la journée internationale de la radio à la veille de la Saint Valentin. Hasard de calendrier ou pas, l’occasion est belle pour moi, de déclarer ma flamme à la radio à travers ce poème.

Sacrée radio
Dont je savoure la musique audio,
Sacrée radio
Dont je m'abreuve de précieuses infos.
Des voix du monde tu répands l'écho,
Dans nos villes et dans nos hameaux.
Par tes ondes résonnent nos mots
Exprimés sur tant de maux.
De l'éducation tu te fais le porte-flambeau
A l'ombre des réseaux sociaux.
Sacrée radio
Dont je savoure la musique audio,
Sacrée radio
Dont je m'abreuve de précieuses infos.
La génération web 2.0
Te tourne le dos.
Hyperconnectée dès le berceau,
Elle te trouve vieillot.
Mais à toi, je suis toujours accro
Tel un irréductible narco. 
Sacrée radio
Dont je savoure la musique audio,
Sacrée radio
Dont je m'abreuve de précieuses infos.
Tu braves l'étau
De l'arbitraire de puissants nigauds,
Imbus de leur sinistre égo,
Résolus à te faire la peau.
Tu survivras grâce à notre sursaut
Pour ta liberté devant les tribunaux.    

Eli Akue
13 février 2023
Journée internationale de la radio


Comment devenir un chauffard sur la route en 5 points

Le minimum d’attention et de précaution au volant ou à moto, ce n’est pas dans les habitudes de tous les usagers de la route. Parmi ceux qui prennent la route, on en trouve d’une « race » particulière. Une certaine catégorie de conducteurs qui n’ont que faire de la prudence et du code de la route. Les sensations fortes et les comportements dangereux sur la route, c’est ce qui les fait vibrer. Ceux-là, ce sont des chauffards.

Ils aiment se comporter en mauvais conducteurs mettant en danger leur vie et celle des autres sur la route. Leurs écarts de conduite sont pour la plupart à l’origine des nombreux accidents enregistrés chaque année au Togo. Pour les six premiers mois de l’année, on comptait déjà près de 3.818 accidents. Des chiffres affolants qui ne sauraient émouvoir les chauffards les plus endurcis.

Si jamais ça vous tente d’aller grossir les rangs des chauffards qui abondent déjà sur les routes à Lomé, voici comment s’y prendre :

  • Confondre les routes avec des circuits de Formule 1

Le chauffard prend toujours du plaisir à rouler (à tombeau ouvert), à une vitesse excessive. A cause d’un trafic routier souvent dense en zone urbaine, la circulation doit se faire à une vitesse modérée. Mais le chauffard ne veut rien entendre. Ce qui le préoccupe sur la route, ce sont ses performances en vitesse. Il se croit sur un circuit de Formule 1 ou de moto GP. De nuit comme de jour, il est en excès de vitesse, comme s’il voulait battre les records de Lewis Hamilton, Michael Schumacher, Valentino Rossi, ou je ne sais quelle star de sport automobile.

  •   Surcharger son véhicule autant que possible

En matière de surcharge, les taxis à Lomé sont les maitres incontestés. Ils en ont tellement fait leur sport préféré qu’on croirait que la capacité de leurs véhicules est illimitée. Ils ont une certaine facilité à ensardiner leurs passagers dans des véhicules qui ne peuvent transporter plus de cinq ou quinze personnes. A cela s’ajoute le poids écrasant des lourds bagages attachés au-dessus de leurs véhicules.

https://twitter.com/OmdeSaintLeon/status/1060567898819833858

Ils ont d’ailleurs réussi à inspirer certains motocyclistes qui s’amusent à transporter deux voire quatre personnes sur leurs engins à deux roues.

  • Prendre la route avec un trop plein d’alcool dans le corps

Les conducteurs indélicats ne se soucient jamais de savoir s’ils sont en état de conduire ou non. Même après avoir avalé goulument beaucoup trop de bière, de sodabi ou de tchoukoutchou (boissons locales),  certains prendront le risque de rouler. Pourtant en état d’ivresse et avec une vue défaillante sur la route, vous ne pourrez compter que sur le ciel pour arriver à destination. Le danger ultime auquel s’expose le conducteur.

  • Manier son téléphone en pleine conduite
https://twitter.com/MTRAF_TG/status/1575366878024835072?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1575366878024835072%7Ctwgr%5Ed46e470db2fc6e0c5ea828d3f8d4342eeaa8c76a%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Feli.mondoblog.org%2Fsecurite-routiere-comment-devenir-un-chauffard-en-5-points%2F

Une autre façon de s’amuser à risquer sa vie sur la route est de se laisser distraire par son téléphone au volant : décrocher chaque appel reçu en pleine circulation et causer tout bonnement au téléphone comme si vous étiez au salon ou au bureau. Ecrire et envoyer des textos tout en gardant un œil sur la route. Un jeu dangereux auquel se livrent certains usagers, plutôt que de s’arrêter sur le côté de la route pour manier leur téléphone.    

  • Prendre des libertés avec le code de la route

Respecter le code de la route, c’est une perte de temps pour les mauvais conducteurs. Ils n’en trouvent l’intérêt que lorsque des policiers sont déployés sur la route pour veiller au grain. En temps normal, le code de la route n’existe pas dans leur imaginaire. La priorité à droite ne compte que pour du beurre. Et ils apprécient la qualité de leur conduite au nombre de feux rouges dépassés. 

Malheur à vous si vous osez rappeler à l’ordre un de ces conducteurs indélicats. Ils ne manqueront pas de vous couvrir d’injures, d’insulter vos parents, jusqu’à vos plus vieux ascendants qu’ils ne connaissent ni d’Eve, ni d’Adam.

Vous l’aurez compris. Il ne s’agit pas d’encourager les comportements énumérés dans cet article, mais de les dénoncer. Ces comportements dangereux sont d’ailleurs parmi les principales causes d’accidents selon le ministère de la sécurité. Il s’agit de l’excès de vitesse, de la surcharge, de l’état d’ivresse, et du non-respect du code de la route. Adoptons des comportements responsables en cette période de fin d’année pour rendre nos routes plus sures.

Cet article s’inscrit dans le cadre de la campagne contre l’insécurité routière menée par l’association Global Road Safety avec l’Association des Blogueurs Togolais. 

Pour plus d’informations et d’articles relatifs à la campagne, veuillez suivre les hashtags #Tgroutes et #SurLaRoute. Ou alors cliquez ici.


Lomotif challenge : révélateur des nouveaux défis de l’éducation au Togo

De retour dans les salles de classe après la suspension des cours due au Covid-19, certains élèves au Togo sont devenus la grande attraction du moment sur les réseaux sociaux. A l’approche des examens nationaux, ces élèves sont plutôt affairés à des cours bien particuliers. Un challenge à caractère sexuel qui fait grand bruit sur la toile togolaise. On y voit circuler des montages vidéo réalisés via l’application Lomotif où des élèves de certaines écoles semblent rivaliser d’audace dans un jeu pervers.  

Ces élèves nous en ont mis plein la vue. Déhanchés de jeunes filles remuant le popotin dans leurs jupes kaki (twerk ça s’appelle pour faire swag), attouchements sexuels, scènes érotiques à la limite de la pornographie. Autant de gestes déplacés en milieu scolaire qui laissent pantois.

Cette inconduite d’une telle ampleur m’a rendu pensif sur ce qui pourrait en être à l’origine et ce qu’il y a lieu de faire pour préserver l’avenir d’une partie de la jeunesse en déroute.

L’influence d’internet

Ce scandale nous montre à quel point on peut être influencé par ce qu’on voit autour de soi quand on est jeune. 

La génération actuelle est une génération connectée depuis le berceau (la génération Z ne me démentirait pas). Elle se familiarise très tôt avec internet. Ma nièce du haut de ses 3 ans m’épate toujours quand elle distingue toute seule sur le téléphone de sa mère l’icône rouge de Youtube où elle regarde ses dessins animés.

Mais Internet est un couteau à double tranchant. Il nous ouvre une fenêtre sur toutes les facettes du monde. Des plus belles aux plus sombres, des plus vertueuses aux plus perverses. S’il est facile pour des adultes d’accéder à du contenu pornographique, il en est de même pour les plus jeunes. Face au pêle-mêle de contenus qu’un mineur découvre sur la toile, il ne lui est pas toujours évident de faire le tri, de distinguer l’utile du nuisible, faute d’encadrement. 

La révélation faite par Hootsuite dans son rapport 2019 quant à la présence de sites porno parmi les pages web les plus visitées au Togo,  n’est surement pas le fruit du hasard.

Ce rapport indique la présence de sites pornographiques parmi les contenus visités au Togo
Top 20 des sites web les plus consultés au Togo (rapport Hootsuite 2019)

Notre responsabilité d’adultes

Dans le cadre familial où j’ai grandi comme dans bien d’autres familles africaines, le sexe était un sujet délicat. Enfant, l’idée ne m’a jamais traversé l’esprit d’aborder un tel sujet avec mes parents. Le faire nécessitait une bonne dose de courage puisque les parents eux-mêmes n’osaient pas en parler. Je n’avais pas pour autant droit à tous les dérapages. J’ai grandi à une époque où à la moindre bêtise, on dégainait le bâton, outil redoutable d’éducation, pour me redresser. Parfois, il me suffisait d’imaginer la bastonnade encourue pour renoncer à toute gaffe.

Mais l’effet dissuasif du bâton n’efface pas les risques du mutisme parental sur le sexe. Faire du sexe un sujet tabou ne protège pas l’enfant. Cela le dessert car il apprendra par lui-même à travers des expériences dont les conséquences peuvent être désastreuses. 

Et que dire des fameux « sugar daddy » et « sugar mama» qui pervertissent les mœurs des jeunes voire des mineurs ? Ces adultes investis dans la chasse aux jeunes filles et garçons qui ont l’âge de leurs petits-enfants et dont ils en font des proies sexuelles. Ils profitent de leur vulnérabilité et de leur naïveté en les soumettant à des pratiques sexuelles contre de petits avantages financiers. Les enfants observent tout cela dans notre société et en sont impactés d’une manière ou d’une autre.

Tirer à boulets rouges sur ces élèves reviendrait à crier dans le désert, car ce phénomène dénoncé sur la toile n’est pas vraiment nouveau. Nous gagnerions à faire face aux nouveaux défis que ce scandale impose.

Adapter l’éducation à l’essor du numérique    

Loin d’être la panacée, éduquer les élèves à un usage utile du numérique est une démarche nécessaire. Le Lomotif Challenge a révélé les limites de l’interdiction de l’utilisation de téléphones portables dans les écoles. Cette mesure du gouvernement n’a pas empêché les élèves de se servir de leurs téléphones pour commettre l’irréparable. Elle évite aux élèves d’être distraits au cours, mais ne les rend pas plus responsables dans l’usage de leurs smartphones.

Se contenter d’exclure du cadre scolaire le téléphone ne me parait pas une approche judicieuse. Qu’on le veuille ou non, les outils numériques se sont imposés dans notre quotidien. Ils occupent une place qu’il est temps d’assumer dans nos écoles. Il ne s’agit pas d’être laxiste dans l’utilisation du téléphone à l’école mais de trouver le moyen d’inclure le numérique au programme d’enseignement. Il est important d’enseigner aux élèves les bonnes pratiques pour un usage responsable des outils numériques. Je doute fort que tous ces élèves auraient pris part au Lomotif challenge s’ils étaient sensibilisés sur les risques encourus. Certains d’entre eux ne se seraient pas prêtés au jeu s’ils savaient que ces vidéos laisseront des traces numériques qui les rattraperont plus tard. 

Certaines écoles innovent déjà en associant le numérique à l’enseignement au lieu de le bannir totalement. C’est le cas du lycée Folly Bébé à Lomé où j’ai fait l’une de mes plus belles découvertes cette année. Cette école exploite une bibliothèque virtuelle que j’ai eu le plaisir de présenter à travers le reportage que vous pourrez retrouver à la fin du billet. Les élèves sont autorisés à utiliser leurs téléphones au cours exclusivement pour accéder aux contenus pédagogiques de la bibliothèque, sous la supervision de l’enseignant.

Une belle expérience qui permet aux élèves d’apprendre à se construire au lieu de s’autodétruire avec le numérique. 


Le salaire de l’intolérance

Credit photo: pixabay.com

Avec un brin d’espoir au cœur, Awa qui constatait un retard de ses règles, s’enferma dans les toilettes pour procéder au test de grossesse. Peine perdue. Elle trouva un résultat qui lui était si familier depuis 5 ans de mariage. Un résultat à lui faire perdre le moral pendant des jours et des nuits. L’unique barre qui s’affichait sur le test était synonyme de résultat négatif. Toujours pas le moindre signe d’une grossesse.

Dépitée par un énième test infructueux, Awa quitta précipitamment les toilettes. Elle partit se jeter sur le lit conjugal toute en pleurs, avec le maudit test en main. L’attente d’un premier enfant tant désiré dans son foyer s’éternisait et lui était désormais intenable. A bout de souffle telle une combattante perdue sur le champ de bataille, Awa sentait grandir son chagrin en ressassant tous les sacrifices endurés pour une quête commune, un rêve partagé avec Koffi, son mari.

La pression de la belle-mère

Koffi, comptable trentenaire, à son retour du travail, vint trouver sa femme dans un état attristant. A la vue du test qu’elle tenait, il comprit ce qui l’affligeait. Il s’empressa de se débarrasser de son sac, avant d’arracher à Awa le test et de le jeter dans un coin de la chambre.

Nos pleurs ne nous apporteront pas cet enfant tant espéré. Il nous faut rester forts.

Lui dit-il, pendant qu’il lui essuyait les larmes.

Depuis le jour où, étudiante, elle a connu Koffi, elle trouvait en lui un cœur bienveillant et le calme d’un havre dans les temps difficiles. Elle se sentait séduite par ce don qu’il avait, par son attention et ses mots, d’apaiser ses états d’âme les plus sombres. Et Dieu sait combien ces qualités ont compté pour elle au moment de répondre à sa demande en mariage.

Au cours des 5 années de vie commune, le jeune couple n’avait pas tari d’affection mutuelle. Awa était heureuse de partager avec son époux une aventure riche de ces savoureux instants d’intimité, ces bouts de bonheur qui n’ont pas de prix. Elle était heureuse de ce lien fusionnel qui ne semblait pas succomber à l’usure du temps. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’à son foyer manquait un élément précieux comme une pièce manque à un puzzle.

Qu’avons-nous fait au bon Dieu pour subir un tel sort ?

S’interrogea-t-elle d’une voix à peine audible.

J’en sais rien. Mais il vaut mieux tenir bon au lieu de nous morfondre. Ce bébé finira par venir, crois-moi.

A l’écoute de cette réponse qui résonna dans ses oreilles comme une vieille chanson, elle répliqua avec un air perplexe.

Si seulement ta mère pouvait partager ta patience, elle nous épargnerait autant de pression et nous aurions la paix.

Koffi n’a jamais approuvé ce reproche qu’Awa avait l’habitude de faire à sa belle-mère qui a de tout temps eu une grande influence dans la vie de son fils. Et pourtant, elle était plus pour Awa une source de stress qu’un soutien.

Unique fils et orphelin de père, Koffi était confronté au jugement de sa famille et plus précisément de sa mère.

Chaque fois qu’elle rencontrait sa belle-mère ou l’accueillait chez elle, Awa avait droit à une litanie de questions embarrassantes du genre :

« Qu’attends-tu pour faire un enfant à mon fils? », « tu ne veux pas me laisser voir mes petits-enfants avant que je ne me retrouve dans une tombe ?», « vous vous occupez bien le soir quand même ? ».

Des propos devenus à la longue si blessants qu’elle s’est résolue à s’isoler de sa belle-famille, à bouder sa belle-mère autant que possible.

De mal en pis pour Awa

Au fil du temps, cette grossesse se faisait toujours désirer. En consultation chez un gynécologue, ce dernier décela après plusieurs analyses, que dans l’appareil génital d’Awa, ses trompes souffraient d’une anomalie qui réduisait la probabilité d’une grossesse. Il lui prescrit un tas de médicaments mais rien n’y fit.

Il n’en fallait pas plus à sa belle-mère pour la juger incapable de concevoir un enfant. Son fils ne pouvait plus continuer à vivre avec cette femme. Quand Koffi parla à sa mère de l’éventualité d’une adoption, elle opposa une telle hostilité qu’il y renonça aussitôt.

Comment ça ? Adopter un enfant qui n’est même pas le tien ? Hors de question. N’est-ce pas cette femme infertile qui t’a mis cette idée bizarre dans la tête ? Elle m’inquiète de plus en plus. On dirait qu’en plus d’être incapable de te donner un enfant, elle t’a attaché avec ses gris-gris.

Répondit-elle avec virulence.

Elle méprisait clairement Awa et ne s’en cachait plus. A défaut de s’en débarrasser, elle lui trouverait volontiers une coépouse qui pourrait réussir là où elle a échoué. Une option qu’elle n’écartait désormais plus, car étant obsédée par l’envie de voir à tout prix un enfant issu des entrailles de son fils. Forte de son influence sur les choix de Koffi, elle s’évertua avec beaucoup de tact à le convaincre de prendre une seconde femme. Dans cette entreprise, elle pouvait d’ailleurs compter sur le soutien d’oncles et tantes de Koffi. Ce dernier opposa un refus mais finit par céder.

Le mari attentionné devint pour Awa un homme distant, méconnaissable. Une autre femme avait les égards de Koffi qui voulut la faire cohabiter avec Awa après s’être acquitté de la dot. Awa, qui n’était pas près de partager le cœur de Koffi avec une autre, préféra le divorce à une situation qu’elle jugeait ubuesque et humiliante.

Une intolérance payée au prix fort

Koffi, se plaisait plutôt bien dans sa nouvelle liaison, jusqu’au jour où il découvrit que l’ex de sa bien-aimée était en réalité un amant.

« Une duperie que jamais Awa n’aurait osé me faire subir», pensait-il.

Dans l’espoir de rattraper le temps perdu, il prit son courage à deux mains et alla retrouver Awa. Il lui confia son regret de l’avoir perdue et plaida pour une seconde chance.

Je suis désolée mais il est bien trop tard pour nous. Il est trop tard pour tenter de recoller les morceaux.

Dit-elle avant d’anéantir totalement les espoirs de Koffi en ces termes:

Il y un an, j’ai retrouvé un vieil ami. Nos liens se sont resserrés. Nous nous aimons et nous nous marierons la semaine prochaine. Pour tout te dire, avec lui, je me sens respecté comme une femme à part entière. Je ne suis plus réduite à une machine à faire des gosses bonne à jeter à la poubelle quand elle ne fonctionne pas. Je te souhaite de construire ton bonheur, avec une femme meilleure que moi qui concevra cet enfant que je n’ai pas pu avoir avec toi.

Et si jamais elle n’en est pas capable, je prierai pour que tu comprennes et que tu aies le courage d’expliquer à ta mère que l’incapacité d’enfanter n’enlève rien à sa condition de femme. Je prierai pour que tu saches autant que ta mère que ne pas concevoir d’enfant ne rend pas une femme moins digne de respect que les autres .

Bouche bée face à une réponse sèche aux allures d’adieu, Koffi tourna les talons. Il rebroussa chemin, conscient d’avoir bradé son cœur contre une confiance aveugle en une mère intolérante.


#Mondochallenge : l’alcool, ce faiseur de fiançailles

Crédit photo : pixabay.com

 

Un togolais normal ne résiste pas beaucoup aux breuvages mousseux et autres boissons fortes. Comment peut-il en être autrement dans un pays où les bars qui abondent à tous les coins de rue comptent plus de fidèles que les églises ?

C’est ce que je n’ai de cesse de rappeler à Thomas, ce vieil ami, quand nous nous retrouvons le weekend pour prendre un verre. Une petite bière bien fraîche pour monsieur ? Jamais de la vie. Un coca ou un cocktail de fruits sans une once d’alcool, ça suffira pour Thomas. Étant d’une « race particulière » de togolais qui ont l’alcool en horreur, il m’avait même mis au défi de le convaincre de débourser le moindre centime pour de l’alcool.

Je n’ai pas eu besoin de me tuer à la tâche pour ce défi. C’est Cupidon qui a eu raison de Thomas quand sa flèche l’a touché en plein cœur et l’a poussé à demander la main d’Anita, une belle jeune dame en qui il disait avoir trouvé l’âme sœur. Une demoiselle qui partageait pourtant l’aversion de son prétendant pour l’alcool.

La démarche fut naturellement un parcours de combattant pour Thomas qui était loin de s’imaginer ce qui l’attendait. Demander la main d’une filleen Afrique n’est pas aussi simple que dans les films de Hollywood où il suffit de tendre à sa bien-aimée une bague de fiançailles en fléchissant le genou. Le consentement de l’heureuse élue n’est qu’une étape. Encore faut-il demander sa main à ses parents à travers l’incontournable rituel de la dot.

Une addition aussi piquante que le gout de l’alcool

Pour ce faire, Thomas accompagné d’un oncle poussa la porte de la maison des parents d’Anita pour leur faire part de ses intentions. Ayant écouté attentivement Thomas, et recueilli l’avis favorable d’Anita, les parents quittèrent un moment leurs hôtes puis le futur beau-père revint seul. Il reprit place et remit à l’oncle de Thomas un papier comportant la liste des choses à offrir pour la dot, selon les usages de la famille. Sur la feuille qu’il me présenta des jours plus tard, je lisais ceci :

  • 20 tissus wax de 4 mètres chacun ;
  • 3 grosses marmites ;
  • 3 casseroles ;
  • une bague ;
  • un carton d’eau minérale.

Mais ce qui retenait surtout mon attention et qui obligeait Thomas à solliciter mon aide était ceci :

  • 4 casiers de bière ;
  • 4 bouteilles de vin ;
  • 12 bouteilles de liqueur.

Et enfin une bible pour bénir le tout.

A la lecture de ces éléments, je lui ai lancé, avec un sourire en coin :

– Alors mon gars. Ce fameux défi que tu m’as lancé, ça tient toujours ? Voilà qu’il te faut dépenser bien plus de sous qu’en une soirée pour de l’alcool. L’amour, quand tu nous tiens !

– Hey ! Ce n’est pas le moment de faire ton rabat-joie. Tu ferais mieux de m’aider à trouver toutes ces boissons, m’a-t-il répondu sèchement, d’un air abattu.

Pour Thomas l’addition était salée, aussi piquante que l’alcool mais c’était le prix à payer. Il n’oserait même pas s’en tenir à la valeur officielle de la dot qui « ne peut excéder 10 000 francs CFA », selon la loi au Togo. De toute façon tout le monde s’en fiche et personne n’a jamais tenu compte de cette loi. Ensemble nous faisons donc le tour des boutiques pour trouver de quoi satisfaire la future belle-famille.

Après deux jours de course, tout y était : de la bonne bière, du vin rouge, du vin blanc, du vin mousseux, du rhum, du whisky, et même de la vodka.

Tout fut fin prêt et une fois informée, la future belle-famille arrêta une date pour la cérémonie de remise de dot.

Le jour du calvaire

Au domicile des parents d’Anita, la cérémonie fut surement un moment de grande surprise pour Thomas.  Au bout de plusieurs heures d’attente, la famille de Thomas qui accusait du retard fit son entrée et s’installa sous le regard nerveux d’oncles et tantes d’Anita qui s’impatientaient. Une tante de la future fiancée se présentant comme porte-parole de la famille s’empressa d’exiger la somme de 50 000 francs CFA pour le retard. Injonction vite exécutée par un oncle, porte-parole du fiancé.

S’en suivirent entre les deux familles des tractations d’une allure théâtrale. Puis la tante d’Anita ordonna de faire entrer les futurs fiancés. Arriva d’abord Anita, accompagnée d’un cortège de jeunes filles qui chantaient et dansaient. Elle prit place devant ses parents, puis fut rejointe par Thomas.

Le moment décisif approchait. Sous les vivats et cris de joie de l’assistance, un groupe de 3 jeunes filles portant sur la tête les éléments de la dot vint les déposer sur une table dressée devant les jeunes amoureux. Avec l’aide de celles-ci, la tante d’Anita les emporta dans une pièce où entrèrent d’autres membres de la famille pour examiner le contenu de la dot.

La tante en sortit au bout d’un quart d’heure pour livrer son verdict.

Le regard austère, elle prit la parole :

Monsieur Thomas, nous apprécions l’effort consenti pour la dot demandée. Mais je constate malheureusement qu’elle est incomplète. Vous avez fourni beaucoup de liqueurs, mais vous avez oublié l’essentiel. Où est le sodabi* ? Si vous connaissiez vraiment Anita et le village dont elle est originaire, vous n’auriez pas fourni une dot sans sodabi.

Puis elle exigea encore 50 000 francs pour compenser le manque de sodabi. L’oncle de Thomas tenta désespérément de négocier sa clémence mais la tante toute puissante restait ferme. Tournant mon regard vers Thomas, je pouvais lire sur son visage la surprise et la consternation. Pauvre de lui ! C’en était trop pour le jeune homme dont le budget était encore sollicité pour ce qu’il détestait le plus au monde. Il n’eut pas d’autre choix que de faire diligence.

Sorti de ce calvaire, Thomas retint à son corps défendant, une leçon : en Afrique,  la voie du mariage passe aussi par l’alcool. Bien souvent on n’y échappe pas quand on pense à se marier.

Si vous êtes comme Thomas, il ne vous reste qu’à espérer de tomber sur une belle-famille qui, pour des raisons religieuses ou autres, n’exige pas de boisson forte pour la dot. Et là encore, ce cas reste marginal.

Allez, santé !

*sodabi : liqueur obtenue par la distillation du vin de palme, très répandue en Afrique de l’Ouest.