Outrage à l’amour (II)

Article : Outrage à l’amour (II)
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14 juin 2018

Outrage à l’amour (II)

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Pendant un bon moment Patrick resta immobile devant ce papier qu’il examinait avec des yeux incrédules. Par la suite, il comprit qu’il s’agissait de la copie d’une demande d’assignation adressée à un huissier pour le faire comparaître dans une affaire d’harcèlement sexuel.

Il n’en revenait pas. Cette demande était bien de Yawa, signée de sa main. La même main qu’il a  embrassée au cours de ces nuits de pleine jouissance partagées ensemble. Comment ont-ils pu en arriver là ? Comment peut-elle lui faire une chose pareille ? Qu’a-t-il fait pour mériter un sort aussi cruel ?  Tant de questions traversaient son esprit qui cherchait en vain une explication à cette situation rocambolesque.

Avec des mains tremblantes il plia le papier et le rangea dans son sac. Le murmure des élèves qui montait dans la salle s’arrêta quand Patrick se leva de sa chaise pour prendre la parole.

-Chers élèves, nous en resterons là pour aujourd’hui. En attendant de vous retrouver à la prochaine séance, je vous conseille de ne pas laisser ce petit incident troubler votre concentration. A bientôt.

Visiblement pas d’humeur à continuer le cours, il quitta précipitamment la classe pour rentrer chez lui.

A son passage dans la cour du lycée, tous ceux qui bavardaient à son sujet se taisaient et le fixaient d’un regard noir. Le genre de regard qu’on jette sur quelqu’un qui vient de commettre un forfait. A la place d’un juge ils seraient prêts à le condamner sur le champ. Sa présomption d’innocence ils s’en moquent bien.

Pour eux il n’y a rien de bien étonnant. D’ailleurs ces enseignants vicieux qui ont pour loisir de courir après la chair fraiche des jeunes élèves, on en voit dans d’autres écoles à Lomé. A leurs yeux Patrick n’était donc qu’un membre de cette bande d’enseignants à la libido incontrôlable qu’ils avaient réussi à démasquer.

Le soir venu, un huissier s’introduit chez lui pour lui remettre une lettre l’informant de sa convocation au tribunal correctionnel qui faisait suite à la plainte de Yawa. Il alla immédiatement rencontrer Edem, un vieil ami devenu avocat pour lui raconter tout ce qui s’est passé jusqu’au dépôt de cette plainte.

« 1 an à 3 ans de prison, une amende d’1 million à 3 millions de francs CFA. Voire plus s’il y a des circonstances aggravantes ». C’était selon les termes de Edem ce que son ami pourrait encourir comme sanction s’il était reconnu coupable dans cette affaire.

-Je ne vois pas comment elle pourrait avoir gain de cause. Cette affaire est totalement insensée, ajouta-t-il, avant de garantir à Patrick sa détermination à assurer sa défense.

Dans une nuit profonde, à une semaine de l’audience au tribunal, Patrick pensif sur son lit sentit son portable vibrer. Il saisit l’appareil et vit sur l’écran un appel en cours signalé. Le numéro affiché lui était inconnu mais il prit la peine de décrocher. De l’autre bout du fil émana une salutation d’une voix féminine qui lui sembla familière.

-Bonsoir Patrick. Entendit-il.

-Yawa, c’est toi ?

Tout en esquivant la question, l’interlocutrice fit une réplique qui en dit long sur son identité.

-Je n’appelle pas aujourd’hui pour servir des alibis. Nos liens se sont détériorés et j’en suis consciente. La rigueur qui me semblait excessive dans tes évaluations, tous ces échecs successifs m’ont fait douter de ton intérêt pour moi. J’ai éprouvé une colère que j’ai eu du mal à contenir et qui m’a fait dire des choses qu’au fond je ne pensais pas à ton sujet. Je t’en ai beaucoup voulu, mais pas au point d’aller à un procès. La plainte c’est une initiative de papa qui s’est mis dans tous ses états quand je lui ai parlé de notre liaison. Il était convaincu que tu cherchais à abuser de moi et que je n’avais pas toute ma tête. J’en suis désolée.

-Mais..mais je ne comprends pas. Pourquoi avoir signé cette….Allo !

Il tenta à peine de lui répondre quand elle raccrocha aussitôt. Les mots de Yawa lui apportaient une petite lumière sur cette situation absurde mais n’y changeaient pas grand-chose. Son honneur et sa réputation étaient toujours compromis.

Le premier jour de sa comparution au tribunal lui fit d’ailleurs sentir toute la fureur du fameux père de Yawa. Patrick était sur le point de s’installer dans la salle d’audience quand ce dernier, les poings fermés, surgit et s’avança vers lui comme un chien enragé prêt à en découdre avec un chat.

« Espèce de salopard. Je vais te régler ton compte, tu verras ! », lança cet homme colérique. Patrick a dû son salut à des agents de police qui se sont interposé pour calmer les ardeurs du bouillant père. Du côté de la partie plaignante, deux hommes étaient présents : un avocat et le père de Yawa, cet homme visiblement âgé dans un costume noir qui cachait mal son ventre bouffi. Aucune trace de Yawa pendant tout le procès qui dura deux jours. Aux dernières nouvelles, elle aurait quitté le lycée pour un autre établissement. Au cours de l’audience, son père s’est plus illustré par des écarts de langage que par des arguments pertinents pouvant convaincre le juge. Quant à Patrick qui plaida non coupable, il s’est employé à nier en bloc toutes les accusations.

Au bout d’un débat contradictoire le juge faute de preuves, acquitta Patrick.

La séance étant levée, Patrick entre soulagement et remords s’approcha du père déçu du verdict. Avec un peu de peur au ventre il lui adressa ces mots :

-Je suis sincèrement navré par la tournure de cette affaire. Je n’ai pas harcelé votre fille, mais j’ai nourri des sentiments qui n’avaient pas lieu d’être. Je réalise que j’ai failli à avoir toute la retenue qu’exigeait ma fonction d’enseignant vis-à-vis d’une élève. J’imagine la douleur que ce manquement peut laisser dans le cœur d’un père soucieux de l’éducation de sa fille. Pour cette défaillance je tenais à vous présenter mes excuses.

Il écouta le méa culpa puis sans dire un mot, tourna les talons et s’en alla.

Conscient d’avoir frôlé le pire, Patrick décida de démissionner de son poste au lycée pour se consacrer à un projet qui lui tenait à cœur : une thèse de doctorat en vue d’une carrière universitaire.

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Commentaires

hervé efoé
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super, bien écrit....courage!!!

Eli
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Merci Hervé

Komahe
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Djo pardon faut écrire troisième partie la vite si bien sûr tu comptes le faire. Billet la est trop doux wallaih. Hahahaha

Eli
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Haha. C'est censé être la dernière en tout cas

Marek
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C'est fini?????

Eli
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Oui loo