Il est temps de penser à traiter les usagers de drogue au Togo

7 juillet 2014

Il est temps de penser à traiter les usagers de drogue au Togo

injection credit photo:sunuker.com
Injection
credit photo:sunuker.com

Traiter et dépénaliser l’usage de la drogue au Togo, voilà une idée qui peut faire tiquer plus d’un au Togo où prévaut la prohibition. C’est une proposition parmi tant d’autres portées par un organe de la CEDEAO (communauté économique des états de l’ Afrique de l’Ouest) dans un rapport sur la lutte contre le trafic de drogue. Cela m’a fait penser à Koffi le seul usager de drogue que je connais. Les mesures préconisées par la CEDEAO auraient elles pu changer quelque chose dans sa vie ?  

Trentenaire au caractère sulfureux très redouté des habitants de mon quartier Koffi  semble n’avoir rien d’un homme fréquentable. Élancé et portant par endroits sur le corps des tatouages, il est connu dans le quartier pour son addiction à la drogue. Il ne m’est pas rare de le croiser en chemin, lui qui a pour habitude de se pavaner dans les coins et recoins d’Agoè (une banlieue nord de Lomé) et surtout de fréquenter les buvettes.

Belliqueux et nerveux il est devenu familier au commissariat d’Agoè. Il y passe souvent des journées en captivité pour coups et blessures causés dans une bagarre en attendant calmement la caution d’un parent pour sa libération. Ce caractère bien trempé lui vaut la crainte de beaucoup. J’ai même une fois entendu dire ceci : « Quand tu croises Koffi sur ta route, mieux vaut bifurquer pour avoir la paix ».

J’ai pourtant fini par me lier d’amitié à lui. Contrairement à sa sombre réputation il me parait toujours sympathique lorsque nos chemins se croisent. Il m’a même gratifié du titre d’avocat depuis que je lui ai dit que j’étais un étudiant en droit.

A la lumière des confidences sur son passé j’ai découvert un homme qui n’a jamais voulu d’une vie de toxicomane, d’accroc aux stupéfiants. Issu d’une famille polygame il perd son père à l’âge de 12 ans. Un coup dur qui changea le cours de sa vie. Il finit par quitter l’école face à la précarité financière d’une mère dont le petit commerce ne suffisait pas à financer les études de ses 5 enfants.

Pour survivre il se lance dans l’activité de zémidjan ou taxi moto. Déprimé par ce travail ingrat dont il ne tire que de maigres revenus, Koffi se rend chaque soir dans des bars où il se gave d’alcool. Certains individus qu’il fréquentait dans un de ces bars lui proposent un beau jour de soulager sa douleur dans de la poudre de cocaïne. Depuis sa première dose il ne lâche plus cette drogue, source d’un bien être éphémère.

Trompé par les effets aléatoires de la drogue et embrigadé dans une forte dépendance, Koffi y voit désormais une saleté qui lui a volé sa jeunesse.

Malheureusement les structures dédiées au traitement des usagers de drogue font cruellement défaut. Dans de telles conditions, aucune chance pour lui de sortir de son addiction. Un changement de la loi sur la drogue n’aurait il pas changé la donne ?

Dans son document l’organe de la CEDEAO propose aux pays une autre « approche combinant prévention, traitement adéquat et humain des usagers de drogue». Au delà de la dépénalisation qui reste discutable, le volet traitement s’avère très pertinent car il offrirait aux usagers la possibilité de guérir. Si seulement il existait un centre de désintoxication, Koffi aurait pu se faire soigner et tenter de prendre au nouveau départ dans sa vie.

Peut on vraiment mettre fin à l’usage de la drogue en se contentant de sévir contre les usagers sans travailler sur leur état de santé? La drogue doit être traitée au Togo non comme une question de justice pénale mais comme un sujet de santé publique. Le drogué ne doit plus être vu comme un reclus de la société ou un paria mais plutôt comme un être humain qui a besoin de traitement.

Il y aura des consommateurs tant que le narcotrafic se poursuivra. Or le marché de la drogue ne peut être totalement détruit. Il est alors temps d’admettre une telle réalité et de donner une dimension sanitaire à la loi sur l’usage de la drogue au Togo.

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Commentaires

Aaron
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J'ai besoin de contact d'un centre de désintoxication