Présidentielle togolaise: l’abstention ou le gros point d’interrogation
Le scrutin présidentiel approche à grands pas. Nous voici déjà à 5 jours de l’épreuve fatidique du 25 avril où les électeurs sont invités à prendre le chemin des urnes. Face à l’imminence du vote les togolais sont soit impatients soit allègrement indifférents. En tout cas c’est selon qu’on soit du côté des participationnistes ou de celui des boycotteurs. Ces derniers opposés à l’organisation d’une élection sans réformes constitutionnelles sont le camp dont la voix semble étouffée dans le boucan de la campagne et dont l’action, annihilée par des interdictions arbitraires.
A ce qu’il parait dans ce processus électoral il n’y a pas de place pour le discours du boycott porté par le front « Tchoboé » composé de certains partis d’opposition et des organisations de la société civile. Le ministre de l’administration territoriale dans une sortie médiatique ne s’en était d’ailleurs pas caché en les considérant comme une potentielle menace au bon déroulement du scrutin et en leur adressant une mise en garde. Depuis ils sont surveillés par la police comme le lait sur le feu, muselés tel des hors la loi, des renégats. Leurs manifestations étant systématiquement empêchées, ils ont du mal à se faire entendre. Je me demande d’ailleurs pourquoi le gouvernement n’a pas encore emprunté aux écologistes français leur proposition de rendre le vote obligatoire. C’est quand même une idée géniale non ? Ca faciliterait la tâche à ceux qui bâillonnent les partisans du boycott. Il suffirait d’une loi pénalisant le boycott pour jeter en taule tous ces trouble-fêtes sans sourciller.
Le boycott, une option contre-productive
Le but de ce front étant d’inciter au boycott du vote à défaut de la suspension du processus électoral, je m’interroge sur l’intérêt qu’il peut y avoir concrètement à boycotter une élection.
Certes je ne suis pas de ceux qui conçoivent le droit de vote au sens strict. Autant qu’il a le droit de voter, le citoyen est en plein droit de décider de s’en abstenir pour des raisons propres. Le vote ne doit en aucun cas être ressenti comme une contrainte car l’abstention peut aussi traduire un message de l’électeur. Cependant il me faut reconnaitre une réalité. L’histoire politique du Togo nous enseigne que l’option du boycott n’a jamais servi à grand-chose. Elle s’est même avérée fatale pour l’avenir démocratique du pays. S’il y a eu modification unilatérale de la constitution en 2002 sous le long règne d’Eyadéma, c’est en partie à cause du boycott des législatives par l’opposition permettant ainsi au régime de prendre contrôle de tout le parlement. L’opposition qui réclame aujourd’hui la révision de cette constitution bancale qui est la nôtre au Togo doit admettre sa part de responsabilité. Son choix du boycott à l’époque a marqué un tournant négatif dont la génération actuelle subit les dures conséquences. En clair le boycott en matière électorale ne peut profiter qu’à ceux contre qui il est dirigé et son impact sert rarement l’intérêt des abstentionnistes.
L’abstention, élément déterminant du scrutin
Quoiqu’il en soit, je crains fort que la logique du boycott trouve un écho favorable dans l’électorat. Le contexte socio-politique de cette élection prête à redouter sérieusement le spectre du boycott ou de l’abstention. Point n’est besoin de m’étaler sur la grogne sociale qui secoue le pays depuis plusieurs mois sous le regard indifférent des autorités. Celles-ci ne font que briller par une fuite en avant en fermant les écoles et en prolongeant les congés de pâques au 4 mai sous prétexte de préserver la sécurité des élèves en période électorale. Une telle situation pourrait désintéresser certains fonctionnaires du scrutin tandis que d’autres seraient amenés à sanctionner le pouvoir dans les urnes.
Et puis il y a ce grand imbroglio sur les réformes constitutionnelles, une nécessité qui dépasse pourtant les clivages politiques. A la lumière d’un sondage 85% de togolais-indépendamment du bord politique-s’étaient déclaré favorables à ces réformes destinées à rétablir le verrou de la limitation du mandat et le scrutin à 2 tours. Les espoirs du renouveau démocratique ont encore été déçus par l’échec des projets de réformes soumis au parlement. Le gouvernement qui a vu son projet rejeté par sa propre majorité au parlement s’est permis de considérer ce désaveu comme la preuve de la vitalité de la démocratie au Togo. Diantre ! De quelle vitalité nous parle-t-on ? Personne n’est assez dupe pour croire à pareille fable. On sait bien que cette majorité parlementaire qui voue allégeance à son président et qui lui sert de caisse d’enregistrement n’est pas capable d’opérer un tel revirement de son propre chef.
Aujourd’hui je suis bien curieux de savoir combien parmi ces 85% de togolais auront le courage d’aller faire un choix entre ces acteurs qui n’ont pas été foutus de satisfaire leur aspiration aux réformes. Après un taux d’abstention de 35,32% au scrutin de 2010 qu’en sera-t-il de cette élection ? En ce qui me concerne, moi qui fais partie des pro-réformes, j’ai du mal à déceler l’intérêt de prendre part à un scrutin qui repose sur des règles non consensuelles. Je ne vois pas en quoi une succession d’élections à problème sans un nouveau départ à travers des réformes préalables peut faire évoluer la démocratie dans ce pays. Si forte abstention il doit y avoir, c’est l’opposition qui risque d’en souffrir dès lors qu’elle part déjà avec le handicap d’une pluralité de candidatures dans un scrutin à un tour.
Du reste tout va se savoir au soir du 25 avril prochain. Let’s wait and see.
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