Lettre ouverte à la classe politique togolaise

22 mai 2014

Lettre ouverte à la classe politique togolaise

hommes politiques togolais credit;27avril.com
Hommes politiques togolais
crédit:27avril.com

Messieurs les responsables politiques togolais,

Je vous salue. Suite à votre décision de renouer avec le dialogue depuis le 19 mai dernier, je voudrais m’adresser à vous aujourd’hui. Parce que le sort du Togo est suspendu à votre énième coup d’essai, souffrez que le citoyen lambda vous interpelle.

Depuis la signature en 2006 de l’Accord politique global (APG) qui prévoyait des réformes constitutionnelles, rien n’a été fait pour le dénouement de la sempiternelle crise politique. Si le Togo continue de baigner dans le statu quo depuis 10 ans déjà, si nous continuons de nous accommoder d’une Constitution bancale et surannée sachez que c’est vous qui en portez la responsabilité.

Bien que votre initiative soit à saluer, ne me demandez pas de croire à une étincelle. Vous avez été incapables de profiter de l’embellie née de l’APG. Vous n’avez fait qu’enchaîner des simulacres de dialogue sans incidence sur la situation sociopolitique du pays. Sachez que face à cette succession de ratés, je me sens désormais vacciné contre l’effet trompeur de vos dialogues stériles. Il vous faudra alors me donner une bonne raison de penser que ce dialogue sera le bon et qu’il apportera une solution définitive à la crise politique qui nous retarde.

J’avoue tout de même que les points de discussion, dont le mode de scrutin et la limitation du mandat sont d’une grande importance pour l’avenir du pays.

Il est vrai que l’ouverture du dialogue à l’approche du scrutin présidentiel de 2015 n’est pas le fait du hasard. L’enjeu électoral est avéré à cause de la question du mode de scrutin. Je suis d’ailleurs de ceux qui pensent que le mode de scrutin actuel (scrutin à un tour) est une aberration puisqu’il ne confère au président élu qu’une légitimité apparente. De quelle légitimité pourra se réclamer par exemple un président élu avec seulement avec 20 % des voix ? En permettant de remporter une élection avec moins de 50 % des voix en un seul tour, le scrutin à un tour ne favorise pas l’émergence d’un gouvernement issu d’une majorité certaine.

Je me demande si dans le cadre d’un scrutin à un tour Macky Sall aurait battu tout seul Abdoulaye Wade au Sénégal. En tout cas, bon nombre de présidents dans le monde ne seraient pas forcément aux affaires aujourd’hui si le  scrutin à un tour était en vigueur chez eux. Sans être un obstacle à l’alternance, ce mode de scrutin ne la rend pas facile à atteindre en Afrique où la transparence électorale reste problématique. Si vous voulez réellement faire du Togo une démocratie dynamique en phase avec son temps, il vous faudra évoluer vers un scrutin à deux tours.

Je sais aussi que le dialogue risque de buter sur la question sensible de la limitation du mandat présidentiel. Depuis la modification unilatérale de la Constitution en 2002 ce mandat présidentiel est devenu indéfiniment renouvelable. Ce qui pourrait favoriser la tentation de monopoliser le pouvoir. Aujourd’hui l’heure est aux tiraillements entre une opposition qui réclame un renouvellement limité du mandat avec effet immédiat et un parti au pouvoir qui ne veut pas qu’on touche au principe de non-rétroactivité de la loi. Qu’il y ait effet immédiat ou non, peu m’importe. Le plus important à mon sens est de trouver un garde-fou contre la boulimie du pouvoir, cette maladie politique qui sévit en Afrique.

A vrai dire, je ne connais ni votre degré de bonne foi ni les intentions qui vous animent, vous qui êtes autour de la table de discussions. Si jamais vous comptez faire du sérieux cette fois-ci alors je vous exhorte à ne pas perdre de vue que seul l’intérêt général doit primer dans les débats. Néanmoins sans vouloir passer pour un oiseau de mauvais augure, je persiste et signe que ce dialogue ne sera pas différent des autres. Il vous revient donc de me prouver le contraire.

Eli AKUE

 

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