Esclavage en Libye: la partie visible d’un iceberg

20 novembre 2017

Esclavage en Libye: la partie visible d’un iceberg

Credit: apr-news.fr

Depuis bien des années je subis le fait de m’informer sur les infortunes des migrants africains dans leur périple vers l’eldorado européen comme une triste routine. La désolation qu’inspire le phénomène est à son comble depuis que circulent des images de migrants en Libye vendus aux enchères comme esclaves.

Les révélations médiatiques sur la traite des migrants en Libye embrasent la toile sous une vague d’indignation. Beaucoup sont ahuris de constater que des êtres humains soient encore aujourd’hui réduits à l’esclavage. Pourtant l’esclavage décrié en Libye n’est qu’une partie d’un mal bien plus important et qui n’a rien de nouveau dans l’époque que nous vivons.

Le marché aux esclaves dans la poudrière libyenne dévoilé par la chaîne américaine CNN a fait sortir de leurs gongs tant de personnalités et d’internautes. Cascade de condamnations par certains dirigeants africains, coups de gueule contre des gouvernants jugés amorphes, appels à la mobilisation lancés par des célébrités. Tout ce déchaînement légitime est de nature à faire croire que c’est la Libye qui remet à la mode la traite d’êtres humains. Faux.

Toute l’attention se porte sur l’esclavage pratiqué en Libye parce que les médias l’ont mis en lumière. Ils ont rendu visible en Libye une pratique qui existe dans d’autres pays et dont les victimes souffrent dans l’anonymat loin des caméras du monde.

La situation en Libye est comme la face visible d’un iceberg que constituent le travail forcé, l’exploitation sexuelle, la traite humaine, bref toutes les formes d’esclavage moderne. L’Union Africaine elle-même qui dit s’insurger contre l’horrible sort des migrants en Libye semble ignorer l’étendue du mal. Elle a manqué l’occasion de s’attaquer au phénomène dans son ensemble.

Des conditions régulières d’immigration ne garantissent pas toujours au migrant à la recherche du mieux-être une condition plus sereine. Elles ne le mettent pas à l’abri de la menace de l’esclavage.

Soucieuses d’améliorer leur condition de vie plusieurs femmes d’Afrique subsaharienne s’étant envolé vers le Liban pour y travailler comme domestiques ont connu la désillusion. Elles se sont retrouvé dans des conditions de travail inhumaines, subissant des maltraitances qui leur ôtent toute dignité et brisent leur rêve d’une vie meilleure. Parmi elles des togolaises revenues au bercail ont brisé le silence sur leur histoire troublante. Malheureusement les témoignages rapportés par la presse locale n’ont pas suffi à faire réagir les autorités compétentes pour des dispositions nécessaires à la protection des ressortissantes subissant le même sort.

Ces souffrances sont aussi celles d’une centaine de femmes mauritaniennes emmenées en 2015 en Arabie saoudite pour des travaux domestiques et qui ont été l’objet de sévices.

J’ai été d’ailleurs surpris de découvrir à la lumière de certaines statistiques que l’Afrique est le continent qui connait le taux le plus élevé d’esclavage moderne au monde, soit un taux de 7%. Inutile de se voiler la face. Ce continent est loin d’en avoir fini avec cette pratique abolie depuis des siècles. Malgré les informations disponibles le sujet n’a jamais été à l’ordre du jour des réunions au sein des instances régionales ou pris en compte dans les actions des instances régionales.

Nous en sommes d’ailleurs à une époque où le travail forcé n’épargne pas les enfants. Dans certaines campagnes au Togo opèrent des réseaux de traite des enfants. En échange de quelques billets de banque certains parents résignés par la pauvreté laissent leurs enfants aux mains de trafiquants qui les conduisent vers les pays voisins où ils sont exploités. Que dire de ces gamins en RDC affairés dans des mines sous un soleil de plomb à extraire du cobalt pour nos smartphones ? Qu’en est-il de tous ces enfants travaillant contre leur gré en Afrique qui se comptent par milliers selon l’Unicef ?

Au-delà du caractère criminel du traitement infligé aux migrants en Libye, il faut croire que c’est avant tout la pauvreté qui rend vulnérables toutes les personnes qui comme les migrants sont victimes d’esclavage moderne en Afrique ou ailleurs. Des actions concrètes contre la traite des personnes s’imposent mais il est encore plus important de s’attaquer aux maux qui la favorisent : la pauvreté et le chômage. Il n’y a rien de plus humiliant pour un être humain que d’avoir du mal à se tailler une place dans sa société et de perdre sa dignité sous d’autres cieux.

Ceux qui quittent leur pays dans l’espoir de construire une vie meilleure pensent le faire par nécessité face à une précarité qui étouffe et enlève tout espoir. Ils ont certes leur rôle à jouer pour trouver le moyen de s’épanouir mais ceux qui les gouvernent sont aussi responsables de leur bien-être social. Chacun a le droit d’avoir une envie d’ailleurs et de chercher son gagne-pain à l’étranger mais on n’est souvent mieux que chez soi. Le meilleur moyen de protéger les personnes contre l’esclavage en Afrique est de combattre le chômage.

Un citoyen capable de subvenir à ses besoins ne saurait trouver un intérêt à traverser le désert au risque de tomber dans les mains de marchands d’esclaves. Plus les jeunes sortiront de la pauvreté, moins vulnérables seraient-ils à ces exploitations et moins de flux migratoires liés aux besoins économiques compterait-on.

 

 

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