Le candidat de l’opposition c’est moi, qui dit mieux?

23 octobre 2014

Le candidat de l’opposition c’est moi, qui dit mieux?

Jean Pierre Fabre credit: koaci.com
Jean-Pierre Fabre
credit: koaci.com

Sous les tropiques, élection rime avec période sensible. En ce moment où se prépare activement la présidentielle de 2015, tout le monde retient son souffle. Pendant que les principaux partis d’opposition font des tractations pour dégager un candidat unique, Jean-Pierre Fabre candidat de l’ANC a fait cette semaine des déclarations sur RFI qui me font réfléchir sur les chances de cette opposition au prochain scrutin.

A la tête du premier parti d’opposition parlementaire qu’est l’ANC (Alliance nationale pour le changement), Jean-Pierre Fabre a été investi sans grande surprise pour représenter le parti en 2015. Auréolé du titre de candidat de l’ANC, il s’était exprimé sur les antennes de RFI le 20 octobre 2014.
A chaque élection revient dans l’opposition le débat sur la candidature unique. Un débat imposé par le mode de scrutin en vigueur : le scrutin à un tour décrié par l’opinion publique. Cette année encore, le CST (Collectif « Sauvons le Togo ») et la coalition arc-en- ciel, deux regroupements de l’opposition, s’activent dans des discussions dans l’espoir de trouver un candidat commun. Interrogé sur l’hypothèse du choix d’un candidat unique autre que lui, Jean-Pierre Fabre répond en ces termes:

«… il y a des critères objectifs pour la candidature unique. Et je pense que je réunis ces critères-là. »

Il a peut-être raison sur ce point. La plupart des critères de choix jouent en sa faveur, notamment le niveau d’implantation au plan national, le nombre de députés au Parlement qui lui vaut un statut de chef de l’opposition parlementaire. Mais au-delà de tous ces critères le fameux candidat unique ne devrait-il pas avoir des qualités intrinsèques ?
Je pense que ce candidat devrait avant tout être un rassembleur, un meneur d’hommes, avoir un discours conciliant qui altère les antagonismes et converge toutes les forces vers un but commun. L’opposition togolaise étant hétéroclite, celui qui aspire à la représenter au prochain scrutin doit savoir composer avec les différents courants. Malheureusement j’ai du mal à retrouver ces aptitudes en la personne du candidat de l’ANC et de plus, l’homme n’a pas la confiance des autres poids lourds de l’opposition.
Déjà en 2010, les tentatives de désigner un candidat unique à l’élection de 2010 furent tout simplement un fiasco. Réunis en conclave, les responsables des principaux partis d’opposition ont été incapables de s’accorder sur un nom. Les négociations avaient connu une fin ambiguë dans un climat tendu. Soutenu par certains partis, Jean-Pierre Fabre fut publiquement présenté comme candidat unique au grand dam d’autres leaders qui ont choisi de faire cavalier seul. La suite, on la connaît : les voix de l’opposition se sont émiettées au profit du pouvoir en place et l’opposition désorganisée cria à la fraude.
Aujourd’hui encore on semble trouver les mêmes ingrédients qui ont fait le fiasco de 2010. Malgré son statut de chef de l’opposition acquis après les législatives de 2013, Jean-Pierre Fabre est loin de faire l’unanimité chez les opposants. D’aucuns le qualifient de suffisant et d’arrogant. Son leadership est contesté par d’autres partis et non des moindres, comme le CAR (comité d’action pour le renouveau) qui compte dans ses rangs un sérieux prétendant à la candidature unique. Face au parti au pouvoir, l’opposition est minée par des dissensions, des problèmes d’égo. Les frictions se sont d’ailleurs exacerbées lorsqu’au lendemain de la débâcle aux législatives de 2013, les partis se sont employés à se jeter la pierre par médias interposés. Jean-Pierre Fabre s’était mêlé à la dispute en adressant des reproches voilés à certains partis.
Au regard de ces difficultés, la quête d’un candidat pour toute l’opposition se révèle déjà comme une cause perdue. Les prétendants au fauteuil présidentiel commencent à s’annoncer et c’est sans doute en ordre dispersé que l’opposition participera au scrutin. Il est étonnant et paradoxal de voir ces leaders invoquer à cor et à cri l’alternance alors qu’ils ne font jamais les choix qui s’imposent. Face au scrutin à un tour, seule la candidature unique peut accroître leurs chances d’aboutir à cette alternance. Malheureusement au sein de cette opposition, l’orgueil a souvent pris le pas sur l’intérêt général.
Dans son interview Jean-Pierre Fabre déclarait :

« je pense que ça va être très difficile si on n’arrive pas à dégager un candidat unique »

Les uns et autres sont donc prévenus. En tout cas s’ils sont incapables de s’unir autour d’un candidat, qu’ils n’osent pas encore crier à tue-tête sur les médias quand les résultats -déjà prévisibles- de l’élection auront été publiés.

Ce n’est pas dans mes habitudes de parler politique sur ce blog. Mais il n’est toujours pas évident d’éluder le sujet en ce moment où se prépare activement l’élection présidentielle de 2015.

 

 

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Commentaires

Judith Gnamey
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Merci pour ce bel article très objectif. Le mien était réellement très emotif #écoeurée

Eli
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Merci bien Judith. En tout cas pour avoir échangé à Togoville je connais un peu ton avis sur la question.

Mawulolo
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A t-on réellement besoin d'un candidat unique si les élections sont réellement transparentes? Je ne pense pas.
Ce n'est pas être défaitiste mais au Togo, la synonymie n'existe pas entre "gagner les élections" et "être président".
J'ai parlé

Eli
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Justement Mawulolo ce sont le mode de scrutin et les conditions d'organisation du scrutin qui obligent ces opposants à chercher un candidat unique. Or dans une démocratie normale la candidature unique ne doit pas etre un passage obligé pour l'alternance.

Emmanuel Vitus
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Très bon article Eli! En tout cas moi je dois trouver de bonnes raisons pour ne plus parler des togolaiseries

Eli
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Tu as raison emmanuel on en a assez des togolaiseries.Merci d'etre passé :-)

Gilbert LOWOSSOU
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Il est étonnant et paradoxal de voir ces leaders invoquer à cor et à cri l’alternance alors qu’ils ne font jamais les choix qui s’imposent

cette phrase résume bien mon opinion
bel article

Eli
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je te remercie gil. Mes amitiés.

Marc
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Très bel article.
Tu fais une analyse pertinente et réaliste de la situation politique.
Merci

Eli
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Merci Marc pour ton coup d'oeil.