Eli

Mon cadeau de noël était à Dakar

Credit: Malick Faye

Je ne suis pas de ceux qui pensent que seuls les enfants ont droit à un cadeau pour noël. Les vieux gaillards comme moi aussi y ont droit. A vrai dire je ressens chaque expérience positive de la vie comme un cadeau du ciel et quand elle survient en décembre, comme un cadeau de noël. Je suis justement heureux d’avoir eu par anticipation mon cadeau de noël à Dakar. Il s’agit d’une aventure unique vécue au cours de la 3ème session de formation au centre régional de leadership de Dakar. Jamais je n’aurais rêvé mieux vivre ce dernier mois de l’année.

Ayant postulé il y a 3 mois à ce programme au même titre que des milliers de candidats d’Afrique de l’ouest et du centre, je me suis heureusement retrouvé dans les mailles du filet de la sélection. Dans un processus bien rodé je subis une interview par appel téléphonique avant de tomber plus tard sur un mail confirmant ma sélection pour ce programme de formation en leadership initié par Barack Obama. C’était donc parti pour une aventure palpitante, une formation oh combien intensive du 14 novembre au 16 décembre au pays de la Teranga.

Dès le jour où je débarque à Dakar une première surprise m’attendait à la résidence du CESAG où était niché notre quartier général. Il était déjà minuit et une grande partie de Dakar dormait quand je posais ma valise au centre de formation accompagné des togolais et gabonais. Le responsable de la résidence prit soin de vérifier nos noms et d’indiquer à chacun la chambre à lui réservée. Je me dirige alors vers ma chambre, cogne à la porte qu’un jeune homme tout sourire m’ouvre sur le champ. Nous passions immédiatement aux présentations et là j’étais surpris de découvrir que mon colocataire, un jeune guinéen était blogueur tout comme moi. Quel sacré hasard !

Immersion dans le laboratoire du leadership

C’était bien clair pour tout le monde. Nous n’étions pas là pour du tourisme ou une promenade de santé. Les organisateurs ont vite fait de le marteler au groupe de 95 participants issus de 16 pays d’Afrique centrale et de l’ouest que nous étions. Le programme tel que conçu était bien là pour le rappeler à quiconque l’aurait oublié. Faire confiance au process, tel était le premier des mots d’ordre. La formation devait se dérouler selon un processus logique où chacun était appelé à s’impliquer autant que possible, donner du sien pour faire le plein de nouvelles connaissances.

La première partie de la formation était consacrée au développement personnel et il fallait rapidement se mettre dans le bain. D’abord une retraite de 2 jours sur la corniche de Dakar pour méditer sur les valeurs du leadership puis une série de cours dynamiques et interactifs sur les compétences de vie. Avec d’excellents coaches chacun de nous est allé à une meilleure connaissance de lui-même, a appris à gérer les émotions, les conflits et à adopter une écoute active. La plupart sont sortis de leur zone de confort en partageant des bribes de leur histoire, en faisant des témoignages parfois émouvants.

Dans la phase finale du programme il était question de concentrer les efforts sur les projets communautaires proposés par les différents groupes de travail constitués. La tâche n’était pas aisée et l’esprit d’équipe devait dominer. Pour s’adapter  à des situations difficiles et exécuter leurs projets les groupes se sont surpassé, ont innové. Alors que le CESAG était en pleine campagne pour l’élection du président des étudiants les membres de mon groupe et moi avons réussi à organiser un débat sur la pacification des élections en Afrique qui a réuni les étudiants du CESAG et les participants de YALI. Les autres groupes ont eu aussi le mérite de mener des actions formidables : foire de promotion de produits locaux, dons d’articles scolaires, sensibilisations sur le suivi scolaire, le planning familial, la dégradation de l’environnement et j’en passe. Bref, ce programme a foisonné de belles initiatives.

                                                        Quelques groupes sur le terrain

  

J’étais particulièrement fier de partir de cette formation avec dans ma besace deux attestations, l’une pour ma participation et l’autre pour ma présentation sur l’application Hootsuite.

Une école de l’intégration africaine

« Les drapeaux de vos pays sont des symboles et non des barrières »

Nous lançait à la cérémonie de clôture M. Omar TOURE, coordonnateur du YALI Dakar.

Il avait vu juste et la vie du groupe pendant ce programme lui donnait raison. Au fil des jours des liens se sont tissé entre les participants, une famille africaine est née.

Credit: Malick Faye

Les différences culturelles se sont dissipées pour faire place à une communauté où nous partageons les mêmes problèmes, la même ambition : celle d’impacter la société. Plus on est différents, plus on apprend. Tenez ! J’ai découvert par exemple que la dot n’existe pas à Sao Tome (oui c’est en Afrique et j’envie les hommes de ce pays), que le numéro vert pour violences conjugales est la hantise des machos au Mali, qu’il n’y a plus de nouvelles écoles publiques construites au Gabon depuis bien des années et que le tchep sénégalais peut être incompatible avec le poulet.

Jamais je n’avais autant touché du doigt l’esprit d’intégration. Un esprit présent dans les soirées passées autour de verres de thé mauritanien que nous sirotions à volonté tout en savourant le son de la guitare de Samir le cap verdien. Un esprit célébré pendant la belle soirée culturelle où les délégations drapées dans leurs costumes traditionnels se succédaient au podium pour offrir ce que leur pays avait de plus beau. Je me souviens encore de ce petit monde qui clôturait en beauté le spectacle en prenant d’assaut le podium pour danser au rythme du « téré téré » du groupe Toofan.

La rencontre avec les mondoblogueurs, la cerise sur le gâteau

Je serais tenté de considérer Dakar comme la terre promise des mondoblogueurs pour avoir abrité à deux reprises la traditionnelle mondoformation et accueilli bon nombre de blogueurs de la communauté. C’est à croire que cette ville est un aimant pour les mondoblogueurs car il y en a déjà un bon nombre qui y ont fait un tour.

En tout cas j’étais comblé de rencontrer des blogueurs de cette autre famille à laquelle j’appartiens. Du bon papotage il y a eu autour de l’incontournable dibi avec Samantha et Lucrèce fraichement rentrées du sommet de Madagascar ainsi que de Roger le plus sénégalais des blogueurs togolais. A propos de ce dernier d’ailleurs je me demande bien pourquoi il n’a jamais voulu d’une carrière de lutteur malgré sa taille gargantuesque. Aux filles je suis reconnaissant de m’avoir régalé des potins de Madagascar même si je regrette d’être parti sans jamais écouter un seule phrase de slam. J’ose croire que cela est partie remise.

Toutes ces belles rencontres ont fait mon bonheur en ce mois. Mon plus cadeau de l’année était bien à Dakar où j’ai eu grâce à YALI une nouvelle famille et un esprit plus conquérant pour l’avenir. Merci à toute la session 3 de YALI. A toutes et à tous je souhaite plein succès.

Je me permets pour finir de vous laisser ici en dédicace cette chanson « tere tere » de Toofan qui m’inspire quelques souvenirs.

On est ensemble..pour touzzours ! 


Pour le respect de la parole donnée #FaisonsLesComptes

J’espère me tromper mais depuis le 16 décembre dernier j’ai bien cette mauvaise impression que le gouvernement togolais repousse délibérément les limites du vice et de l’immoralité politique. A cette date le gouvernement réuni en conseil des ministres sous la houlette du chef de l’Etat adoptait un décret portant création de comités ad hoc de supervision, de gestion et de mobilisation de fonds pour soutenir les éperviers à la CAN 2017. Si le gouvernement a cru ainsi bien faire, c’est plutôt raté. Nous sommes carrément en présence d’un scandale-en attendant de trouver un mot plus fort-dès lors que ce décret intervient au moment où nous attendons toujours de connaitre les comptes de la CAN 2013.

J’ai encore à l’esprit des souvenirs frais. A l’approche de la CAN 2013 le gouvernement prenait prétexte d’un climat délétère au sein de la Fédération Togolaise de Football pour instituer par décret ces comités placés sous la supervision du premier ministre. Ils étaient chargés de mobiliser auprès des contribuables les fonds nécessaires pour un soutien financier de l’équipe nationale à la CAN. On nous a déballé autant d’arguments mielleux que possible pour nous persuader du sérieux de ces comités et nous inciter à donner des sous. Nous avons contribué volontiers, subi l’augmentation du prix du ciment, du carburant  et autres produits pour récolter à la clé un match en quarts de finale suivi d’une fin de séjour humiliante et chaotique des joueurs en Afrique du sud. Aujourd’hui les fameux comités se murent dans le silence et ça fait trois ans que ça dure.

Quid de la parole donnée ?

A force de m’informer, en fidèle auditeur, via la radio je me suis accommodé du générique plutôt insolite d’une émission hebdomadaire. Un générique qui met à nu toute la duplicité du gouvernement en martelant certains propos que tenait le premier ministre Ahoomey-Zunu en 2013 :

« Je tiens à rassurer les togolais que nous rendrons compte dans les détails de ce qui a été utilisé. Et si quelqu’un garde un franc par devers lui il le rendra jusqu’au dernier centime.. ».

Depuis lors l’eau a coulé sous les ponts. Le premier ministre a passé le témoin sans avoir honoré sa promesse. Face à l’inaction du gouvernement la déception ressentie est à la hauteur du ton solennel de l’engagement pris devant le Togo tout entier.  Nos gouvernants semblent ignorer qu’il y a des exigences élémentaires sur lesquelles on ne peut transiger sans perdre la confiance des citoyens. Ils font mine de ne pas savoir que gouverner, c’est prêcher par l’exemple et respecter la parole donnée à tout un peuple. L’éthique a-t-elle encore une place dans la gestion de la chose publique au Togo si un fonctionnaire peut disposer allègrement et impunément de l’argent des citoyens comme s’il s’agissait de son argent à lui ?

La décision de nous servir le même scénario pour la CAN 2017 tel un vieux plat d’ayimolou réchauffé sans s’acquitter des obligations actuelles est l’expression d’une injure du gouvernement à l’intelligence des togolais. Si respect il y avait pour nous ce gouvernement aurait envisagé toute mesure autre que la création de ces comités fantoches à l’affût de nos pauvres poches. Le plus drôle dans tout ceci est de constater que les rares déclarations publiques du gouvernement sur le sujet sont pourtant favorables à la publication des comptes de la CAN 2013. Encore faut-il s’assurer que tous pensent réellement ce qu’ils disent. Le premier ministre actuel en personne avait admis la nécessité de faire les comptes. Tout le monde est d’accord sur le principe mais qui pour se jeter à l’eau ? Personne ne veut s’exposer devant les caméras avec des comptes dont la fiabilité ne serait pas garantie. Où est alors passé le sens de la responsabilité et de la transparence qui doit guider toute fonction publique ?

Faudrait-il rappeler aux membres du gouvernement qui se font tant désirer que la présentation de comptes publics n’est en rien un exploit et que des hommes ont déjà été capables de l’exercice dans ce pays ? Oui malgré l’opacité ambiante observée dans bien de secteurs certaines personnes ont eu le courage de montrer l’exemple en 2010. Au lendemain de la tragédie qui a frappé en terre angolaise l’équipe nationale certains responsables du comité de gestion en ce temps ont pris l’initiative de publier des comptes. Même si le bilan présenté n’a pas fait l’unanimité les personnes concernées ont eu le mérite de s’acquitter de leur devoir envers les contribuables. Un exemple dont les membres des comités de la CAN 2013 feraient mieux de s’inspirer.

N’en rajoutez pas aux infortunes de ce football

Je ne sais pas pour vous mais être un mordu de foot dans ce pays c’est vivre un supplice, c’est souffrir le martyr. Ma passion pour le football a toujours été mise à rude épreuve par des incongruités et vicissitudes couvrant de honte tout un pays. Puisque personne n’a jamais été comptable de rien beaucoup ont fini par faire du football une mangeoire, un domaine où chacun se sert à volonté sur l’argent du contribuable. Ce sport a fini par tomber dans l’escarcelle de cette fameuse minorité qui selon les dires du chef de L’État « s’accapare les biens du pays ».

 Les matchs ou compétitions à l’étranger sont l’occasion pour certains de voyager en compagnie de leurs copains avec la délégation officielle aux frais du contribuable. Dans un passé récent certains administrateurs de la fédération s’arrogeaient  le droit de prendre des commissions sur les primes des joueurs qu’ils faisaient sélectionner. Même les ressources logistiques ne sont pas exemptes de gaspillage. Longtemps soumis à une gestion désastreuse les maillots de l’équipe nationale ont carrément disparu de la circulation. Ce qui nous a d’ailleurs valu une rupture de contrat par l’équipementier au profit d’un autre fournisseur moins coté. L’équipe a donc dû jouer les éliminatoires toute vêtue de maillots non officiels. Quelle honte pour un pays ayant participé à une coupe du monde.

Bref. Il est clair qu’avant le sale coup du 16 décembre dernier, le football au Togo souffrait déjà assez. Les togolais payent un tribut trop lourd pour le football et n’avaient pas besoin de cette énième tentative de dépouillement.  Autant que je souhaite voir les éperviers voler de victoire en victoire à la CAN, je ne saurai tolérer que les gouvernants piétinent, malmènent le citoyen que je suis en allant de gabegie en gabegie. Il est hors de question d’avaler une pilule amère pour une deuxième fois. Accepter de se faire spolier une fois de plus au nom du football revient à cautionner la médiocrité et  l’opacité dans la gestion des fonds publics.

Il n’y a plus de temps, plus une seule minute à perdre. Finissons en! Pour le respect de la parole donnée à tout un peuple #FaisonsLesComptes au plus vite.

 


Education au Togo: jusqu’où descendrons nous? (2ème partie)

Crédit photo: Happuc Photographie

Elle est tellement libre, si libre la chute du système éducatif togolais que le sujet à lui seul rassemble trois blogueurs dans une série de billets ouverte par Marek. La suite de cette série je l’ai écrite avec une pensée pour les candidats au Bac qui attendent désespérément de connaitre leur sort pendant que leurs autres camarades savourent déjà les vacances. Ces vacances où j’en vois qui déambulent ces temps-ci dans les ruelles de mon quartier. Tout heureux sont-ils de délaisser pour un temps leur uniforme pour arborer à volonté des tenues à l’air du temps pour faire swag, comme on dit. Tout comblés se sentent-ils de retrouver à la faveur des vacances une certaine bouffée d’air après le stress des examens. Bref. Les fameux examens, revenons-y !

Je me doute bien que, tout comme moi, mes compères Renaud et Marek en ont entendu des choses durant cette année scolaire. Une année secouée par une série d’incongruités autour des examens et des résultats. Faudrait-il ressasser tout le théâtre qui a été servi à une opinion publique habituée à des rebondissements à chaque année scolaire ?

Une fois de plus nous avons frôlé le scandale avec des faits qui ont défrayé la chronique : annulation d’une épreuve du bac 1ère partie qui serait hors programme, annulation partielle du concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs (ENI) en raison de fraudes de certains candidats. A tout cela se sont ajoutées les folles rumeurs nées de la longue attente des résultats du Brevet d’Etudes du Premier Cycle. A mesure que ces résultats se faisaient attendre, d’aucuns affirmaient qu’ils étaient tellement médiocres qu’un traitement cosmétique serait opéré pour gonfler le taux de réussite.

Vérité ou pure affabulation ? Question pour un champion !

A première vue, les résultats officiels semblent ne rien avoir de si alarmant. Bien qu’évoluant en dents de scie depuis quelques années, le taux de réussite (59,54% pour le BEPC et 80% pour le CEPD)  n’est pas des plus minables et on serait même tentés de croire que tout va pour le mieux dans le domaine de l’éducation. Et bien, vous risquez de vous méprendre en vous fiant trop à ces chiffres car ils sont flatteurs pour qui connait l’état actuel du système éducatif togolais.

En réalité, ils cachent mal les défaillances d’un système aux abois. Un système dont les tares organisationnelles ouvrent le champ aux fraudes comme au dernier concours de l’ENI. Un système qui par sa léthargie a fini par entretenir la médiocrité du travail chez un certain nombre d’élèves. Aujourd’hui, le sens de l’effort et la culture de l’excellence sont occultés par des méthodes laxistes qui prévalent dans certains établissements scolaires. Ce sont des écoles où malgré une moyenne faible, un élève peut à la faveur de petits arrangements financiers, être facilement être déclaré admis. Il est évident qu’un tel élève voit son parcours pâtir d’autant de largesses lorsqu’il a par la suite toutes les difficultés du monde à décrocher son BEPC ou son Bac.

Le comble de tout ce méli-mélo est de constater que la gangrène sévit même au-delà de l’enseignement primaire et secondaire. Les élèves qui par leurs efforts parviennent à décrocher le Bac découvrent dans l’enseignement supérieur des déviances similaires dont ils sont bénéficiaires ou victimes. La décrépitude avancée des universités publiques a ouvert la voie au développement de l’initiative privée dans l’enseignement supérieur. Les universités privées qui pullulent aujourd’hui sont comme une bouée de sauvetage pour des étudiants désabusés par les carences des universités publiques. Malheureusement, bon nombre de ces établissements privés s’apparentent à des entreprises qui prennent des sommes colossales aux étudiants en échange d’une formation au rabais. Quand on a un peu d’argent, point n’est besoin de trop se casser la tête dans les études. Avec ces universités privées vous pouvez aisément vous offrir un diplôme sans avoir lu une seule page de cours.

Quelle est au juste la vocation de l’école aujourd’hui ? Former une élite ou distribuer des paperasses de diplômes ?!

Les utilisateurs de Whatsapp n’ont d’ailleurs pas manqué de s’inviter au débat en tournant en dérision cette triste réalité. Whatsapp a vu se déchaîner des railleries à propos des grossièretés étalées par certains candidats aux examens. Rire des lacunes des élèves via Whatsapp, ce réseau social qui contribue à nourrir leurs déficiences. Ironie du sort !

Quelques photos qui ont fait le tour de la Whatsapp-sphère

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Au passage vous apprécierez  à la fois l’irresponsabilité de ceux-là qui ont osé violer le secret de la correction des épreuves et l’ingéniosité des auteurs de tels chefs d’œuvre.

Le niveau général laisse de plus en plus à désirer et les principaux acteurs de l’éducation ne font pas grand-chose pour changer cet état de choses. Au contraire certains y contribuent. Nous sommes en présence d’une lente hémorragie qu’il faut arrêter à tout prix. Un diagnostic s’impose et de nouvelles orientations sont à définir. Quid des états généraux de l’éducation promis par le chef de l’Etat le 26 avril 2013 ? Un projet qui se trouve sans doute au cimetière des promesses chimériques.  Je ne crois pas aux promesses politiques mais je ne suis pas non plus amnésique.

De toute façon, en l’état actuel des choses, il n’y a que deux options possibles : se ressaisir pour préserver l’avenir de la jeunesse ou rester indifférent pour laisser notre société toucher le fond de la médiocrité.   A nous de choisir!


Le soldat togolais, le racket et moi

Credit image: Jeune Afrique
Credit image: Jeune Afrique

Mon rapport au militaire togolais a toujours été empreint de méfiance et de crainte. C’est d’ailleurs une réalité que bien d’autres togolais partagent sans doute dans un pays où l’armée est présente aussi bien dans les casernes que dans la vie politique et économique. Dans ma cervelle j’avais entretenu l’image du soldat austère qui ne badine jamais avec la discipline militaire, mais ça c’était avant. Oui, c’était avant d’avoir été témoin d’un fait pour le moins surprenant.

Samedi matin 6h30. Dring dring…! L’alarme de mon téléphone résonne fort dans mes oreilles et m’arrache à mon doux sommeil. Je devais me séparer de mon lit pour rejoindre Edem, un très proche ami qui m’avait prié de le conduire au siège de la TVT (Télévision Togolaise) pour l’enregistrement d’une émission. Sur ma bécane, nous nous engouffrons dans les méandres de l’embouteillage pour enfin chuter devant l’enceinte de la TVT. Nous tombons sur un homme en tenue militaire, fusil en bandoulière, qui montait la garde. Ce dernier d’un geste autoritaire nous somma de faire halte puis s’approcha. Il s’enquiert de l’objet de notre visite puis, avec une amabilité si rare chez les hommes de sa corporation, nous indique le chemin menant au lieu de l’émission.

Au bout d’une heure d’émission il nous fallait quitter les lieux mais c’est à ce moment-là qu’un fait plutôt insolite nous prenait au dépourvu. Nous sortions donc quand le militaire qui veillait au grain à l’entrée du bâtiment, tout sourire, m’adressa ces mots :

« Alors chef, on dit quoi ! »

Sur le vif, j’ai eu du mal à déchiffrer ces propos. J’ai même cru entendre une salutation.

« Oui ça va ! ». Voilà dans ma naïveté tout ce que j’avais trouvé à lui répondre. Mauvaise réponse. L’insatisfaction se lisait dans le regard de l’interlocuteur qui restait là tout droit planté devant nous. Le sourire qu’il arborait se dissipa sur le champ pour faire place à une grise mine, une mine aussi serrée que celle d’un pasteur sevré de dons par ses fidèles. Le gars tout statique me fixait continuellement du regard. Là, je commençais à angoisser sérieusement. Mais que me veut-il au juste ce type ?

Il finit par délier sa langue. Sur un ton plus grave il me fit une réplique explicite qui m’a fait tomber des nues :

« Faut donner quelque chose non ! »

C’était donc mes jetons qu’il convoitait le pauvre. Stoïque et sonné par ce que je venais d’entendre je n’en croyais pas mes oreilles. Je suis resté un moment muet comme une carpe. J’étais aussi fasciné par sa façon habile de changer de rôle car je n’avais plus affaire à un soldat mais à un agent d’extorsion de pauvres deniers des usagers. En tout cas il était hors de question pour moi de cautionner cette supercherie.

« Ah mon gars, je n’ai pas de sous sur moi hein. Désolé, on se gère après ! » ai-je lancé pour l’éconduire avant de démarrer mon engin en trombe. Cette attitude ubuesque nous a mis dans un fou rire indescriptible.

A y penser, avec le recul, je me dis qu’il s’agissait certes d’une forme de racket comme on en voit d’ailleurs dans la rue et même parfois dans l’administration. Mais pour moi ce qu’il y avait de particulier dans cette infortune était que le coup vienne d’un militaire. J’avais plutôt l’habitude de voir des fonctionnaires ou des agents de police exiger des avantages indus aux usagers et c’était la première fois qu’un militaire tentait de me racketter. Il avait pour mission de sécuriser l’accès aux locaux de la télévision et rien dans l’exercice de sa mission ne nous faisait obligation de lui payer le moindre rond. Dans de telles conditions son attitude me semblait relever de l’absurdité.

Cette expérience des plus inattendues me révèle que la culture du profit est en train de s’étendre à tous les pans du service public. Même la grande muette malgré sa discipline traditionnelle n’est point épargnée. Elle compte dans ses rangs des brebis galeuses comme ce soldat qui s’est dérobé à la discipline militaire en suivant la règle d’or de l’agent public véreux. Ah oui, je me doute que vous devez la connaître cette règle non écrite. En tout cas tout bon Togolais né et vivant dans ce rectangle de territoire connait bien le principe et le subit au quotidien. C’est la loi dictée par tous ceux qui appartiennent à cette race de fonctionnaires pour qui le service public est aussi du business. Il s’agit pour eux de s’agripper à la poche de nous autres pauvres usagers pour trouver de quoi arrondir les fins de mois.

On te confie une mission d’intérêt général à accomplir et puis un beau jour te vient l’ignoble ingénieuse idée de garnir ta poche. Tu te dis que tu gagnerais mieux à en profiter pour t’enrichir sur le dos des citoyens. Mais bon en même temps, inutile de se voiler la face hein. La tentation d’abuser du citoyen est forte quand tu tires le diable par la queue avec un salaire minable qui ne te sert qu’à payer tes dettes, quand tu épuises ce salaire en quelques semaines et que tu te grattes la tête en te demandant comment nourrir ta famille. Il ne faut pas s’en cacher : le fonctionnaire togolais qu’il soit civil ou militaire vit mal et subit de plein fouet les effets de la vie chère. Je suis quand même de ceux qui pensent que pour débarrasser le service public de la corruption le tout n’est pas d’améliorer le traitement du fonctionnaire. Cela est primordial certes mais la prévention de ces abus doit aller bien au-delà. Certains corps de la fonction publique ont vu leur niveau de rémunération augmenter sans que les pratiques abusives ne cessent. Suivez mon regard.

Ce qu’il faut réellement pour un début de changement est que chacun prenne toute la mesure de ses responsabilités dans le service public. Quelque soit son titre ou son statut chaque agent public se doit de comprendre qu’il est appelé à servir et non à se servir, qu’à travers lui c’est toute une institution qui agit et qu’il doit agir dans un esprit républicain.


Du meilleur et du pire de la jeunesse togolaise

Credit: pixabay.com

Mon blog a connu le mutisme depuis un moment. L’écho n’y a plus retenti non parce que l’envie de le porter par mes écrits avait fini de me démanger les doigts. C’est plutôt à cause de ces contraintes du travail qui vous prennent du temps au point de vous éloigner de vos autres passions. Cependant le dernier weekend qui s’est écoulé m’a tellement marqué qu’il me fallait à tout prix rompre ici un mutisme si pesant. Pour tout vous dire j’ai connu un contraste d’évènements qui m’ont semblé illustrer les deux visages que j’attribue volontiers à la jeunesse togolaise.

A la veille du weekend j’étais comme à l’accoutumée tout content de laisser derrière moi une rude semaine de travail avec la charge de stress qu’elle entraine.  Et oui ! Le weekend ça vous redonne souvent le sourire sur une mine quelque peu confite. Rapidement j’échafaude mes plans de sortie. Le samedi dernier je décidais d’assister aux joutes verbales francophones, une compétition inter-universitaire de débat sur le développement durable. 20 mars oblige! Pour cela je déclinais alors l’invitation d’un ami à une journée d’activités culturelles organisée le même jour dans une université privée.

Je me retrouvais au bout de 30 minutes de circulation dans la salle qui abritait le concours. Il fallait d’abord assister à la demi-finale qui mettait aux prises 4 équipes d’étudiants représentant chacune une université pour une place en finale. Depuis cette étape de la compétition jusqu’à la finale tout le public moi y compris se trouvait subjugué par la qualité de ces duels. Dans des débats aux allures de pugilat oratoire l’on se répondait du tac au tac et on rivalisait d’imagination pour donner la plus grande force qui soit à des tournures éloquentes et renversantes.

Le spectacle était excitant. On se croirait face à un théâtre ou un prétoire où de jeunes étudiants écrasaient l’atmosphère du poids de leur talent.

 

Le lendemain mon enchantement pour ces jeunes talentueux était terni par de tristes nouvelles qui me parvenaient via whatsapp. L’ami qui m’avait convié la veille à un spectacle dans son école me dressait un rapport assez noir de l’évènement. Les choses ont pris une tournure aberrante ce soir-là. Des étudiants ont fait étalage de leur savoir-faire en toxicomanie. Certains venus suivre le spectacle ont versé dans un important flot d’alcool et d’effluves de tabac. Autant de déviances qui ont conduit le directeur de l’université à suspendre le spectacle pour une demi-heure, interdire la vente d’alcool et conditionner l’accès à la présentation d’une carte d’étudiant. A vrai dire pour ceux qui connaissent bien les dessous de ces activités culturelles dans les établissements scolaires ces incartades sont plutôt un cas d’école. Oui on le sait bien. Ces activités dites culturelles qui sont initiées annuellement en milieu scolaire sont l’aubaine pour des égarements de tout genre.

Mais au-delà du phénomène ce qui m’a marqué c’est d’avoir eu en l’espace d’un weekend  deux illustrations du meilleur et du pire de la jeunesse togolaise.

Aujourd’hui plus que jamais la génération à laquelle j’appartiens, cette génération « whatsapp » présente bien deux facettes, l’une brillante et l’autre sombre. Il s’agit d’une jeunesse togolaise qui porte en elle une part d’insouciance et une autre part de dynamisme. Une jeunesse engagée d’un côté et une jeunesse fêtarde de l’autre. Pendant que certains cravachent pour mettre en valeur tout leur potentiel d’autres s’accommodent de la facilité et de loisirs futiles à longueur de journée. Alors que certains  sont volontiers disposés à travailler d’arrachepied pour se construire et réussir dans la vie d’autres préfèrent prendre des raccourcis absurdes pour accéder à des privilèges sans le moindre effort. C’est bien là tout le contraste de cette jeunesse que nous sommes aujourd’hui.

L’ampleur des dérives qui marquent les semaines culturelles en milieu scolaire n’est qu’un élément parmi tant d’autres qui révèlent le déficit de responsabilité d’une grande partie de la jeunesse. Il faut dire qu’ils sont malheureusement un grand nombre qui n’osent pas faire face à leurs propres défis.

Mais qu’à cela ne tienne, les brillantes prestations auxquelles j’ai assisté confirment qu’autant que l’ivraie il y a de la bonne graine qui germe. Je crois que la jeunesse togolaise n’est pas à plaindre sur toute la ligne mais elle est aussi à encourager pour tout le talent qu’elle peut receler. Pour son rayonnement une société a besoin de toute l’énergie de sa jeunesse. Elle saura la trouver chez ceux qui à l’instar des jeunes débatteurs sont conscients des enjeux pour l’avenir de leur dur labeur.

Si jeunes que nous sommes, nous devrions nous considérer comme une relève alors faisons en sorte que notre attitude soit à la hauteur de l’image dont nous nous prévalons.